CHAPITRE 1 : DE L’IDENTITE DES JOURNAUX

Ce que nous voulons voir dans ce premier chapitre concernant l’identité des journaux satiriques africains, c’est uniquement la construction de leur dispositif 155 . Nous sommes convaincu que la caractéristique la plus intéressante et la plus originale de cette presse, au-delà de son cadre matériel, se trouve dans la langue utilisée qui fera l’objet d’une étude particulière. Précisons que l’identité ne se construit que dans la confrontation avec l’autre. La constitution de ce que nous sommes ne peut s’envisager que dans un rapport frontal à l’autre, dans ce que nous avons de différent avec lui, mais aussi dans ce que nous avons de commun. Nos projets, nos vies, nos agissements, finalement, prennent corps en jetant un regard, ne serait-ce que furtif vers notre « semblable » (qui n’en est pas un en fin de compte). Cette identité du sujet est à différencier avec l’identité politique qui, elle, se construit dans l’antagonisme : c’est en se positionnant contre (un projet, une idée) que l’identité politique se fonde.

L’histoire particulière qui lie une grande partie du continent africain à la France reposait sur un rapport de dominant à dominé, où le colonisateur est institué comme modèle. Que ce soit sur le plan politique (les constitutions africaines sont très souvent la copie presque parfaite de la constitution française) ou sur le plan médiatique (constitution de l’espace public), l’Afrique s’inspire beaucoup de l’ancien colonisateur. Les premiers médias qui voient le jour sur le continent colonisé sont tous à l’image de ceux de la métropole.

Si les indépendances ont favorisé certaines initiatives nationales, elles ne conduisent pas forcément à une rupture totale avec la France. On l’a vu, les médias qui vont émerger en Afrique au lendemain des indépendances, essentiellement ceux de la deuxième génération politique (c’est à dire celles qui vient après le sommet de La Baule, puisque nous connaissons les limites de la première génération en termes de liberté et de démocratie), ces journaux de la presse privée se constituent en référence à leurs homologues français. On l’a bien noté, la première expérience de presse satirique, en tous cas en Afrique de l’ouest, sera tenté, en 1977, au Sénégal, avec Le politicien (évidemment on n’est pas encore à la Baule, mais, la tradition démocratique du Sénégal étant une des plus anciennes dans la sous région ouest africaine, favorise très rapidement la naissance d’une presse privée et indépendante).

Notes
155.

Le site matériel où les énoncés prennent forme et qui agit comme une donnée structurante pour les contenus.