Conclusion (quatrième partie)

Nous avons voulu, dans un premier temps, étudier l’identité même des journaux satiriques africains en les opposant, non seulement entre eux, mais surtout avec Le Canard Enchaîné . Cette identité se construit à la fois dans l’élaboration de son dispositif : un journal, c’est d’abord une forme, un format reconnaissable, un nom, des couleurs qui sont autant de signes distinctifs. Mais le journal, c’est surtout un type de discours et d’écriture qui constitue un horizon d’attente pour le lecteur.

Ainsi, le lecteur, à travers l’écriture, a été au centre de cette dernière étude. L’analyse des événements du 11 septembre nous a permis de montrer les discours implicites dissimulés dans chaque analyse de chaque journal. Ces principes sous-jacents constituent les traces du lecteur. Par ailleurs, nous avons démontré, bien que l’on ait dénié toute forme d’écriture au continent africain, qu’il a existé dans cette partie du monde une manière de fixer la pensée. Entre les discours dithyrambiques de L. S. Senghor sur la langue du colonisateur et la résistance que lui opposent ses détracteurs, le français « africanisé » semble être la solution de consensus. C’est sur ce plan, fondamentalement, que se situe le facteur identitaire de la presse satirique africaine. A travers l’oraliture, la narration des histoires nous a démontré que cette écriture, malgré son caractère réinventé, ne peut ignorer des règles syntaxiques de la langue française. La langue de Koutoubou et de Goama est certes traversée d’empreintes locales qui fondent une appartenance culturelle africaine. Mais cet outil linguistique demeure complexe, puisqu’il concentre en son sein deux univers habituellement antinomiques : oralité et écriture s’opposent ailleurs. Ici, ils se complètent l’un l’autre pour constituer le soubassement humoristique à partir duquel la presse satirique africaine séduit l’essentiel de son lectorat. Pour les journalistes, cette langue serait « populaire » et donc proche du public auquel ils s’adressent. Mais le paradoxe existe : c’est après tout une parole faite pour être lue.

C’est ainsi que nous avons examiné cette contradiction pour démontrer, que finalement, ces signes sont des lieux d’élitisme. Considérer cette langue comme populaire a été relativisé, en ce sens qu’elle demande a être lue (elle n’est plus vraiment parlée, puisqu’elle passe par la presse). Donc, cette langue, avec toutes les références qu’elle utilise, en même temps que la satire, constitue un discours destiné à un destinataire précis. En ce qui nous concerne, c’est à partir de l’étude de cette particularité linguistique que, désormais, nous sommes tenté de formuler une certaine théorie de la satire africaine.