3.2.1.2 À quel niveau situer le filtre de l’attention sélective ?

Les premiers travaux réalisés sur la dimension sélective de l’attention ont été conduits par Broadbent (1958). Comme nous le voyons sur la figure 16, pour Broadbent, l’attention est un filtre qui agit très précocement dans le système cognitif. Dans le même esprit, Treisman (1960) propose un modèle de l’attention. La différence entre ces deux modèles est que pour Broadbent les informations non pertinentes ne passent pas le filtre, alors que pour Treisman toutes les informations passent le filtre mais les non pertinentes sont atténuées. Pour ces deux auteurs, la sélection attentionnelle intervient au niveau sensoriel. Enfin, il existe un modèle de sélection dite tardive (Deutsch & Deutsch, 1963). Deutsch et Deutsch postulent qu’il n’y aura pas du tout de sélection des informations à l’entrée du système cognitif. Ce ne serait qu’au moment de l’entrée en mémoire à court terme, après l’étape dite de reconnaissance de forme, que l’information serait triée et traitée plus ou moins en profondeur. Ces trois conceptions d’une part, soulignent que le système cognitif ne peut pas prendre en compte toutes les informations de l’environnement, d’autre part, posent l’hypothèse du canal unique de traitement. Par conséquent, tôt ou tard, au court du traitement des informations une sélection des données les plus pertinentes doit être réalisée. Selon nous, cette sélection ne peut pas être réalisée avant une comparaison entre la nature des attributs du stimulus présent et celle des objets recherchés dans l’environnement, pertinents pour la tâche à réaliser. Le temps nécessaire à l’analyse des attributs varie donc selon chacun d’entre eux. Ainsi, si un objet rouge est recherché, tout objet non-rouge sera très vite rejeté. A l’inverse, les caractéristiques spatiales du stimulus peuvent exiger davantage de temps tout particulièrement si cela implique la mise en œuvre de rotation mentale. Nous pensons que la sélection intervient après l’analyse des attributs du stimulus permettant une discrimination entre le stimulus présent et celui qui est attendu : le stimulus prend alors une valeur sémantique au regard des exigences de la tâche à réaliser. De ce fait, le filtre sera plus ou moins précoce selon que l’attribut déterminant pour donner une valeur sémantique au stimulus sera, de part sa nature, traité plus ou moins rapidement. C’est à ce niveau qu’interviendraient les processus dit d’inhibition (ie : rejet d’un stimulus non pertinent) et de réhaussement (ie : prise en compte prioritaire d’un stimulus pertinent) avant la mise en œuvre d’une catégorisation plus élevée du stimulus.

Figure 16 : Modèle de Broadbent
Figure 16 : Modèle de Broadbent

Plutôt que de considérer que les limites attentionnelles sont structurelles (ie : canal unique), Kahneman (1973) introduit la notion des ressources attentionnelles. Il est alors envisagé que l’attention soit une ressource contenue dans une sorte de réservoir générale de capacité limitée (Fortin & Rousseau, 1993, p77). Ainsi, les recherches ne visent plus à situer un filtre dans le canal unique de traitement, mais elles cherchent à étudier ce qui rend possible ou non l’exécution de deux tâches en même temps.