3.2.1.3 Répartir l’attention entre des tâches : l’attention partagée

Selon Näätänen (1992) l’attention partagée survient lorsque le sujet doit contrôler simultanément au moins deux sources d’information. Dans ces circonstances, il est possible d’observer une décroissance du niveau de performance à une des tâches, du fait de la réalisation de l’autre. Cette baisse a habituellement été expliquée en termes de limitations de capacités (Kahneman, 1973) ou d’incompatibilité des modes de réponses exigés par les tâches (Wickens, 1984b).

Figure 17 : Modèle de distribution des ressources attentionnelles, d’après Reed 199
Figure 17 : Modèle de distribution des ressources attentionnelles, d’après Reed 199

Le modèle de Kahenam (1973) est un modèle de distribution des ressources, toujours limitées, entre les différentes activités mentales sollicitant le système cognitif. (figure 17) C’est pourquoi l’auteur introduit un mécanisme de gestion des ressources attentionnelles. Le modèle de Kahenam soutient qu’il existe une limite à la capacité générale d’un sujet à effectuer des activités mentales. De plus, le modèle suggère que le sujet a un contrôle sur la manière de gérer ses ressources attentionnelles (ie : modèle de distribution des ressources attentionnelles figure 17). Cette fonction de distribution est assurée par « allocation policy » (ie : règle de distribution). La quantité de ressources disponible est déterminée par le niveau d’activation. En fonction de l’activité, des intentions du sujet, de la quantité prévisible de ressources nécessaire, et des ressources disponibles une quantité de ressources est allouée à la tâche. Le gestionnaire de ressources détermine des niveaux de priorité aux différents processus. C’est-à-dire que lorsque je décide que ma priorité est d’écouter la radio, les ressources que j’allouais pour remplir ma grille de mots croisés sont redistribuées pour l’écoute du programme radiophonique qui n’était auparavant qu’un bruit de fond.

Le modèle de Wickens (1984) est dit « des ressources attentionnelles multiples » dans lequel les réservoirs de ressources sont définis par 4 facteurs imbriqués : les modalités d’entrées et les modalités de sorties, les niveaux de traitements et enfin, les codes utilisés. L’imbrication de ces facteurs structure des réservoirs indépendants de ressources attentionnelles. Ainsi, dès lors que les ressources impliquées dans le traitement de chacune des tâches n’appartiennent pas au même réservoir, les tâches pourront être réalisées simultanément sans baisse des performances. Le cas échéant les performances pourront se dégradées, l’auteur précise également que l’augmentation de la difficulté d’une des tâches peut également conduire à une dégradation des performances.

Ainsi, que l’on considère un canal unique de traitement ou un partage des ressources attentionnelles, il est indéniable que les capacités cognitives du système sont limitées. Deux tâches complexes ou coûteuses en attention ne pourront être réalisées en même temps sans que la performance de l’une d’elle n’en soit détériorée. D’une part, le modèle du canal unique prétend qu’il y aura interférence entre les deux tâches car un seul mécanisme est sollicité en même temps pour réaliser deux tâches. D’autre part, le modèle des ressources attentionnelles étant limité, il y aura interférence entre les deux tâches lorsque la demande des deux activités dépassera la capacité du réservoir de ressources. Pour Chapon (2004) la distinction que l’on peut faire entre ces deux modèles est qu’ils n’utilisent pas la même échelle temporelle. Par exemple lors d’une tâche de longue durée, l’exigence de cette dernière varie et lorsqu’il ne se passe rien un peu de temps peut être accordé à la réasliation d’une tâche ponctuelle. Le modèle du partage des ressources implique donc un partage de temps. Cependant, à un instant donné (et c’est à ce niveau qu’il faut situer le modèle structurel du filtre de l’attention) on ne peut gérer simultanément deux tâches exigeant de l’attention et selon l’importance respective donnée à chacune des tâches l’une sera traitée en priorité, l’autre sera différée. De ce point de vue, les deux types de modèles n’abordent pas la question de l’attention sous le même angle. L’analyse proposée par Chapon (2004) permet de considérer la question de l’attention par le temps de traitement nécessaire pour un stimulus donné. Sous cet angle, nous sommes d’accord avec lui pour dire qu’il n’est pas possible de mener à bien, simultanément deux tâches controlées (eg : deux opérations mentales complexes nécessitant de l’attention active). Par ailleurs, l’auteur précise aussi que la principale attaque que l’on pourrait faire à l’encontre des modèles de partage des ressources réside dans leur manque de clarté vis-à-vis des processus automatiques d’une part et des activités automatisées d’autre part, qui conditionnenent l’asbsence de demande d’attention.