3.5.2 Faire émerger les représentations mentales, la technique du rappel impromptu

Une technique utilisée pour faire émerger les représentations mentales élaborées par l’opérateur en situation doit se rapprocher le plus possible des conditions réelles de la situation. L’une de ces techniques est appelée par Bisseret et al (Bisseret, Sebillotte, & Falzon, 1999, p9, p15) la technique du rappel impromptu. Son principe est simple. Au cours de l’exécution d’une tâche, lors d’une interruption inattendue provoquée par l’expérimentateur, il est demandé au sujet de rappeler le plus possible d’informations dont il se souvient sur la situation. Le rappel peut être uniquement verbal (écrit ou oral) ou accompagné de graphismes. Bisseret et al (1999) notent que l’objectif de cette méthode est d’obtenir le contenu de la représentation, construite et maintenue en mémoire pendant la tâche, et sur laquelle les traitements s’opèrent (1999, p15). Cette technique nécessite de connaître très bien l’activité étudiée. En effet, les auteurs précisent que les éléments rappelés par les sujets ne peuvent être interprétés en fonction d’une part des éléments rappelables : disponibles au sujet au cours de l’activité, d’autre part par rapport aux objectifs de l’activité. Par ailleurs, selon les auteurs il serait préférable de ne pas prévenir le sujet de l’interruption afin de ne pas modifier ses habitudes. Les auteurs craignent qu’en prévenant les sujets, ces derniers tentent « d’apprendre » la situation au lieu de rester en condition de mémoire incidente (1999, p21). De ce fait, une limite de cette technique est qu’elle ne serait pas réplicable pour un même sujet. En revanche, l’intérêt de cette méthode est qu’elle peut aussi bien être utilisée en situation réelle, lorsque l’activité le permet (Spérandio, 1975), qu’en situation de simulation (Enard, 1968; Sébillotte, 1981, 1982).

A notre connaissance une seule étude a monté un protocole de rappel impromptu mettant les conducteurs en situation réelle de conduite (Sommer et al., 2002). Cependant, le protocole utilisé par Sommer et al (2002) repose sur la même idée : « la technique de gel » et le rappel verbal. Cette expérimentation s’est déroulée en conduite réelle dans le centre ville de Dortmund sur un parcours de 20km. L’expérimentateur demandait tout simplement au sujet de fermer les yeux à 5 moments prédéfinis ! En même temps l’expérimentateur prenait le contrôle du véhicule pour le garer afin de ne pas gêner les autres usagers. Puis, le sujet était soumis à un questionnaire sur la situation au moment où il avait fermé les yeux. La législation allemande est beaucoup plus souple qu’en France, où cette étude serait difficilement envisageable. C’est pourquoi nous avons dû chercher à développer un protocole qui se rapproche le plus possible de la situation réelle de conduite, tout en assurant la sécurité de nos sujets. Dans la première partie du chapitre suivant, nous avons appliqué cette méthodologie, du rappel impromptu, à l’étude des représentations mentales des conducteurs automobiles, notre méthode de rappel était le dessin. Au cours de notre exposé nous verrons que cette méthodologie est très riche mais qu’elle connaît des limites.