4.1.2- Des consignes de dessin plus restreintes

Ce protocole visait à étudier en continu, tout au long de la phase d’approche d’intersection, l’activité du processus de catégorisation de la situation de conduite (indices pris en compte, raisonnement mis en œuvre), ainsi que l’évolution dynamique de la représentation mentale que se fait le conducteur de la situation. La méthodologie mise en œuvre se déroulait en plusieurs étapes, alliait dessins et catégorisation de photographies.

  • le film commençait par une image gelée, durant laquelle le sujet dessinait, tout en commentant, ce qu’il observait de la scène routière présentée.
  • Le film était relancé et le sujet avait pour consigne d’arrêter la vidéo à l’aide d’une télécommande dès qu’il avait détecté des indices lui laissant présager l’approche d’une intersection. Le sujet devait alors dessiner, de mémoire, sans regarder l’écran, la scène à l’écran.
  • Le film était à nouveau relancé et le sujet devait à nouveau l’arrêter lorsqu’il avait une idée précise de l’intersection sur laquelle il arrivait, ainsi que sur les événements qui se passaient et sur le comportement à adopter. Après cette nouvelle interruption, le sujet dessinait à nouveau, sans regarder l’écran, la scène routière tout en précisant les nouveaux éléments qu’il avait analysés afin de préciser sa vision du monde. Cette étape pouvait être renouvelée autant de fois que le sujet souhaitait interrompre le film.
  • Après l’écran noir de clôture de la séquence, le sujet était à nouveau invité à dessiner, de mémoire, la dernière scène routière qu’il venait de voir.
  • Enfin, lorsque toutes les séquences ont été visionnées, les sujets avaient pour consigne de classer 30 photographies extraites du film expérimental (scènes finales ou intersections intermédiaires) tout en décrivant les catégories identifiées et les critères de partition.

Cette méthodologie fut utilisée auprès de 10 sujets répartis équitablement en deux groupes : des conducteurs novices et des conducteurs expérimentés. Pour chaque interruption de film l’expérimentateur récupérait : le moment de l’interruption du film (TimeCode), la distance par rapport à l’entrée dans l’intersection (point kilométrique) et une représentation graphique de la scène routière telle que se la représentait le sujet au moment de l’interruption (critères de détection ou de spécification de l’intersection). Les faibles effectifs et l’hétérogénéité des données recueillies (surtout pour le groupe des conducteurs non-expérimentés) n’ont pas permis un traitement statistique des données. Une analyse qualitative avait donc été préférée afin de mettre en évidence des tendances propres à ces deux catégories de conducteurs.

Tout d’abord, les TimeCode mettent en évidence une anticipation plus précoce des conducteurs expérimentés, mais aussi une catégorisation plus efficace et plus rapide. C Fieux précise que dans les cas de succession d’intersections, les conducteurs expérimentés commencent à catégoriser la seconde intersection avant même d’avoir franchi la première. Une seconde différence est mise en évidence par les dessins réalisés au cours de cette expérimentation. En fonction de leur niveau d’expertise les sujets n’utilisent pas les mêmes indices pour catégoriser les intersections. Alors que les conducteurs expérimentés privilégient les indices de type événementiel, les conducteurs non expérimentés se basent plus sur les caractéristiques de l’infrastructure. Ce résultat corrobore les critères choisis par les deux populations afin de catégoriser les photographies. En effet, les catégories des conducteurs expérimentés sont fondées sur des critères fonctionnels (ie se référant à l’action : intersections à feux, intersections où je suis prioritaire et intersections où je ne suis pas prioritaire).En revanche pour les conducteurs non expérimentés la classification s’effectuait selon les indices structuraux (intersections à feux, intersections avec rue à droite ou rue à gauche, et intersection avec rue à droite et rue à gauche).

Le fait que la littérature ait déjà mis en évidence ces deux grandes distinctions conducteurs expérimentés vs non-expérimentés atteste d’une relative bonne valeur écologique à ce protocole expérimental. Ce sont d’une part, les bases de cette expérimentation (l’utilisation de la vidéo) et d’autre part, ces principaux résultats qui ont servi de base à l’élaboration d’OSCAR. Par ailleurs, les difficultés rencontrées par C Fieux ont également été prises en compte. Une fois de plus, la plus grande limite de ce protocole était la difficulté d’analyse des dessins recueillis. L’idée fondatrice d’OSCAR était donc d’arriver à élaborer un protocole où les sujets ne dessineraient pas, mais qui nous permettrait tout de même d’analyser la qualité et le contenu de leur représentation mentale.