D’un point de vue global, nos résultats soulignent des données déjà connues. Le vieillissement est responsable d’une certaine dégradation des capacités cognitives et plus particulièrement des capacités visuelles et attentionnelles qui peuvent avoir des conséquences sur l’activité de conduite automobile (Gabaude, 2001, 2003).
En effet, nous avons vu que toutes les performances des conducteurs âgés (conducteurs expérimentés âgés) en simple tâche, comme en double tâche, obtenues à OSCAR sont significativement plus basses que celles du groupe de référence (conducteurs expérimentés jeunes).
Cependant, nous observons que la double tâche n’altère pas les performances de détections des conducteurs âgés. Néanmoins, plusieurs études soulignent les difficultés des seniors dans des situations de double tâche et/ou d’activités complexes (Hasher & Zacks, 1988; Rabbitt, 1965; Salthouse et al., 1984; Salthouse & Somberg, 1982). Toutefois, nous avions noté que pour des tâches impliquant une forte pression temporelle, l’aspect de la double tâche pouvait être masqué par la complexité inhérente à la tâche. Nos données permettent d’émettre plusieurs hypothèses pouvant expliquer que cette difficulté a beaucoup marqué les résultats des conducteurs âgés à OSCAR.
Premièrement, les performances de ces sujets étaient déjà trop basses en simple tâche pour que nous puissions les dégrader, elles représenteraient alors une sorte de niveau seuil de performance. Toutefois, si nous n’observons pas d’impact significatif de la double tâche, nous observons tout de même une baisse des performances des conducteurs âgés…
Deuxièmement, compte tenu de leur plus grande pratique de la conduite, l’activité de ces conducteurs repose plus encore sur des processus automatisés que pour les sujets du groupe de référence. De ce point de vue, en simple tâche comme en double tâche, la majorité des processus engagés par ces sujets serait automatisée, c’est pourquoi nous ne pouvons observer d’impact significatif de la double tâche. Cependant, dans ce cas, les automatismes devraient assurer de bonnes performances aux conducteurs âgés, ce qui n’est pas le cas au vu de nos résultats. Cependant, il est possible que les processus engagés par les conducteurs âgés soient trop rigides et conservés même s’ils ne correspondaient aux situations...
Troisièmement, ce protocole n’est pas adapté à cette population spécifique de sujets âgés. En effet, autant les conducteurs jeunes se sont prêtés facilement au jeu d’OSCAR autant les conducteurs âgés ont eu plus de difficulté à entrer dans sa logique et ce pour plusieurs raisons que nous avons pu identifier au cours des passations. D’une part, ils mettaient plus de temps à comprendre le principe d’OSCAR. D’autre part, ils cherchaient beaucoup plus à comprendre les fondements du protocole que les jeunes qui l’abordaient de manière plus ludique. Comme s’ils cherchaient à comprendre en quoi OSCAR pouvait déterminer s’ils étaient de « bons conducteurs ou non ».
Par ailleurs, la double tâche a été plus difficile à mener qu’avec les sujets jeunes : nous avons eu du mal à les faire calculer quand nous le souhaitions. C’est pourquoi nous pensons que la majorité de ces conducteurs a, la plupart du temps, mis de coté notre tâche secondaire quand la situation de conduite leur demandait plus d’attention. En ce sens le non impact significatif de la DT apparaît comme un aspect positif de l’expérience de conduite qui recadre le sujet sur sa tâche principale. Aussi, bon nombre de sujets nous ont interpellés en cours de séquences pour nous dire que « nous » roulions bien trop vite. En effet, l’un des moyens d’adaptation des conducteurs âgés passe en effet par la diminution de sa vitesse de circulation afin de palier au ralentissement de sa vitesse de traitement de l’information (Hakamies-Blomqvist, 1994). OSCAR n’offrant pas la possibilité de ralentir le défilement des images nous pensons que ce sentiment de vitesse excessive a pu être la cause de nombreuses non détections de modifications. Cette explication concernerait alors les deux conditions expérimentales. De ce point de vue, nos résultats témoigneraient surtout de la difficulté des conducteurs âgés à gérer des situations complexes impliquant une forte pression temporelle.