5.3.3.2 Types de changements non attendus

Les changements non attendus peuvent être de trois types. En effet, le sujet peut décider d’ajouter, de supprimer ou bien de déplacer un élément dans la scène. L’ajout d’un élément dans la scène signifie que le sujet pense, à tort, que nous l’avions supprimé alors qu’il n’existait pas, c'est-à-dire que sa représentation mentale de la scène comprenait un élément qui n’existait pas dans la scène réelle. A l’inverse, un changement non attendu de type « suppression » signifie que le sujet supprime un élément de la scène, pensant que nous l’avions ajouté ; il n’était pas intégré à la représentation mentale du sujet bien qu’il existe dans la scène vidéo. Enfin, les déplacements concernent essentiellement les événements. Il s’agit de cas où les sujets ont souhaité reculer ou avancer des éléments existants dans la scène réelle (tableau 25). Ces données permettent de constater que le plus souvent les réponses non attendues sont de types « déplacement ». En outre, nous remarquons qu’une seule des proportions tend à varier en fonction de la DT. En double tâche la proportion de changements non attendus de types « suppression » tend légèrement à être plus importante qu’en simple tâche (tableau 25).

Tableau 26 : Types des changements non-attendus en fonction de la DT
  Simple Tâche
N=116
Double Tâche
N=139
P
Ajouts 33
28.4%
34
24.4%
0.72 0.2358
Suppressions 29
25%
45
32.4%
-1.292 0.0985
Déplacements 54
46.5%
60
43.2%
0.524 0.2946
Figure 115 : Ajouts et Suppressions non attendus en ST et en DT
Figure 115 : Ajouts et Suppressions non attendus en ST et en DT

Si nous considérons uniquement les ajouts et les suppressions (figure 115), bien que les différences ne soient pas significatives (ST=0.593 p=0.53 ; DT=-1.602 p=0.11), nous observons des tendances inverses en fonction des conditions expérimentales. En effet, en simple tâche, nous observons plus d’ajouts que de suppressions, alors qu’en double tâche nous observons plus de suppressions que d’ajouts. Compte tenu de la dégradation provoquée par la double tâche sur les performances de détections de modifications, nous ne sommes pas surpris par ce résultat qui signifie que les sujets en double tâche intègrent moins d’informations dans leur représentation mentale. N’ayant pas intégré l’élément dans leur représentation mentale de la situation, ils le suppriment, à tort, croyant que nous l’avions ajouté.

Figure 116 : Types de déplacements en ST et DT
Figure 116 : Types de déplacements en ST et DT

Par ailleurs, en simple tâche comme en double tâche, les déplacements sont les changements non attendus les plus fréquents. Ces réponses concernent majoritairement les événements, éléments dynamiques de la scène. En effet, les sujets n’ont quasiment pas remis en question les positions des éléments de signalisations, éléments statiques. Les seuls cas de déplacement sur des éléments de signalisation que nous avons observés (n=17) correspondent à l’ajout d’éléments qui n’étaient déjà plus dans le champ de la caméra au moment de l’interruption de la vidéo. Nous avons catégorisé les déplacements en deux classes : retard ou projection. Soit, le déplacement opéré par le sujet recule l’événement par rapport à sa réelle position, le changement sera alors classé dans la catégorie « retard ». Sont également classés dans la catégorie « retard » les événements qui avaient quitté le cadre de l’image quelques secondes avant l’arrêt de la vidéo mais que les sujets ont repositionnés dans la scène finale ainsi que les 17 cas d’éléments de signalisation dont nous avons parlé plus haut. Soit, à l’inverse, les déplacements effectués par le sujet peuvent projeter les événements en avant par rapport à leur position réelle. Ils témoignent ainsi d’une anticipation, possible, sur leur déplacement réel. Ces réponses sont classées dans la catégorie « projection ». Comme le montre la figure 116, dans la grande majorité des cas les déplacements effectués par les sujets sur les objets de la scène positionnent ces derniers en arrière par rapport à leur position actuelle (« retard »). Nous remarquons également que les proportions de « projection » et de « retard » sont on ne peut plus stables en fonction des conditions expérimentales. Néanmoins, nous avons vu que la catégorie « retard » regroupe deux sortes de réponses. Les premières concernent des éléments toujours visibles sur la scène finale que les sujets choisissent de reculer. En revanche, les secondes portent sur des objets qui ne sont plus visibles sur l’image finale modifiée que nous présentons aux sujets mais ceux-ci les repositionnent dans la scène. Ainsi, si nous éclatons la catégorie « retard » en fonction de la présence ou non de l’objet dans la scène finale présentée aux sujets nous remarquons que ces réponses sont plus ou moins fréquentes en fonction des conditions expérimentales (tableau 26). En effet, en simple tâche nous observons que les réponses « retard » sont plus fréquentes sur des objets qui étaient sortis de l’image avant l’arrêt de la vidéo. Par contre en double tâche, ce sont les réponses « retard » sur des objets toujours visibles à l’écran qui sont les fréquentes. Ces données fournissent des informations sur le dynamisme de la situation et sa compréhension par les sujets. Le fait qu’en double tâche les sujets reculent plus souvent des objets toujours visibles à l’écran qu’en simple tâche suggère qu’ils ont plus de difficulté à estimer la position des événements (la majorité des déplacements portent sur des événements), et plus précisément qu’ils sont en retard sur le déroulement de leur évolution dans la scène.

Tableau 27 : Déplacements d'objets en fonction de la DT
  Simple Tâche
N=54
Double Tâche
N=60
Projection 10
18.5%
11
18.3%
Retard 44
81.5%
49
81.7%
- objets toujours visibles 18
33.3%
29
48.4%
- objets sortis de l’image 26
48.2%
20
33.3%