Ainsi, il ressort de nos données que les sujets réalisent des changements qui n’ont pas lieu d’être. En d’autres termes, ils croient rectifier des modifications que nous n’a vons pas réalisées. Premièrement, nous avons vu que le manque de ressources cognitives provoque une légère augmentation de faux changements de type « suppression ». Bien que ce résultat ne soit pas significatif, il corrobore le fait que le manque de ressources cognitives conduit à l’élaboration de représentations mentales moins complètes. D’une part, les sujets détectent moins nos modifications qui portent sur des éléments pertinents de la situation, et d’autre part, ils apportent à tort des changements sur des éléments que nous n’avions pas modifiés. Deuxièmement, toutes conditions expérimentales confondues, ces changements portent avant tout sur des éléments de la zone 2 (ie : entre 15 et 25m), sur des événements et il s’agit le plus souvent de déplacement. En d’autres termes, les faux changements réalisés par les sujets se situent dans une zone proche, où nous avons vu que l’impact de la double tâche sur les performances de détections des modifications était important (figure 110 et tableau 20). Et il s’agit principalement de déplacements de véhicules ou de piétons.
Cependant, une fois de plus rappelons que ces données ont été recueillies sur un petit échantillon de sujets et que les réponses non attendues ne représentent qu’un tiers de l’ensemble des données recueillies. Néanmoins, il apparaît qu’ICARE permet de recueillir aisément des informations assez fines sur la compréhension globale de la scène. En outre, les pistes fournies par nos données montrent que le caractère dynamique des représentations mentales en situation de conduite peut être saisi par ce protocole. La prochaine partie nous permettra de présenter quelques uns de ces résultats de manière plus probante encore. Mais, il apparaît dorénavant possible d’obtenir des données spécifiques sur les dimensions spatiales et temporelles des représentations mentales de conducteurs. Il serait alors opportun de monter un plan expérimental plus important afin d’obtenir des données statistiquement exploitables mais aussi de comparer ces résultats de conducteurs expérimentés avec d’autres populations de conducteurs. En effet, nous savons qu’au cours de la pratique de conduite, les capacités d’anticipation des conducteurs augmentent. Quelles seraient les proportions de « projection » ou de « retard » de jeunes conducteurs ? Nous savons également que l’expérience de conduite permet aux conducteurs de se focaliser principalement sur les informations les plus pertinentes dans la scène. Pour ce groupe de sujets, conducteurs expérimentés, nous avons vu que les changements non attendus portent quasiment tous soit sur des événements, soit sur de la signalisation, en d’autres termes sur des éléments pertinents pour les conducteurs. En effet, la catégorie « autres » que nous avons ajoutée ne contient que huit réponses. Qu’en serait-il pour de jeunes conducteurs ? De même lorsque nous avons mené l’expérience VISA nous avons constaté que la majorité des conducteurs âgés se focalisait sur les événements et témoignait souvent d’une sensation d’avance de la scène finale par rapport à la fin de la séquence vidéo. ICARE permettrait-il à cette population spécifique de mieux matérialiser ces verbalisations de l’ordre de la sensation ? Avant de revenir sur les perspectives méthodologiques qu’ouvre ICARE nous allons présenter le dernier de ses aspects novateurs par rapport à OSCAR. Cette dernière partie nous permettra de mieux analyser la multitude d’informations que nous recueillons avec ICARE, notamment en ce qui concerne les changements non attendus et l’appréhension du dynamisme de la situation de conduite. La partie suivante sera destinée à prouver l’utilité du feed-back visuel dans l’analyse des réponses.