5.3.4.2 Des cas atypiques, les changements non attendus en images

Les réponses atypiques peuvent être de deux ordres. Soit elles sont données seules, soit elles accompagnent la réponse juste (correction de notre modification),. La figure 119 illustre très bien les premiers cas de réponses non attendues. Pour cette situation, le sujet 30, double tâche, ne détecte pas notre modification (ie suppression d’une voiture à droite, cf annexe 6) mais ajoute un feu vert qui n’existe pas à cet endroit de la séquence, ni à aucun autre moment de la vidéo. Cette réponse correspond donc aux changements non attendus, de type « ajout » qui sont donnés sans la réponse attendue.

Figure 119: Reconstitution scène 6, sujet 30 DT
Figure 119: Reconstitution scène 6, sujet 30 DT
Figure 120 : Reconstitution scène 17, sujet 25 ST, sujet 13 ST et sujet 16 D
Figure 120 : Reconstitution scène 17, sujet 25 ST, sujet 13 ST et sujet 16 D
Figure 121 : Reconstitution, sujet 25, scène 6 ST
Figure 121 : Reconstitution, sujet 25, scène 6 ST

A l’inverse, certains sujets suppriment à tort des éléments qui étaient présents dans la scène originale. C’est le cas de certaines réponses données pour la scène 17 (figure 120). Trois sujets suppriment, à tort, la voiture de gauche et n’effectuent aucun changement en lien avec notre modification (suppression d’une voiture zone 4).

Le second type de réponses non attendues concerne les changements faux que les sujets effectuent en plus de la réponse juste qui corrige notre modification. Par exemple, la figure 121 montre que le sujet 25, simple tâche, rajoute bien l’objet que nous attendions (une voiture venant de la droite, sur le trottoir), mais il supprime également la voiture qui roule devant lui : selon lui elle n’était pas là, nous l’avons rajoutée. Pour ce sujet, cette scène comportait donc deux modifications. L’obtention de ce genre de réponses a été possible car notre consigne spécifiait que « nous avions pu modifier la scène finale », sans préciser combien de modifications cela impliquait mais aussi en induisant que les scènes finales n’étaient pas forcément modifiées. Nous verrons tout au long de la présentation des données du feed-back visuel des réponses des sujets que ces réponses se manifestent soit quand au moins deux éléments de la scène sont pertinents et de ce fait conflictuels, soit lorsqu’un élément est plus pertinent que l’autre.

Figure 122 : Reconstitution scène 24, sujet 32 ST, sujet 25 DT
Figure 122 : Reconstitution scène 24, sujet 32 ST, sujet 25 DT

C’est par exemple le cas de la séquence 24. Nous avions supprimé le piéton de droite, or la figure 122, montre que deux sujets ont bien corrigé cette modification mais qu’ils ont, en plus, supprimé le piéton sur le trottoir de gauche, information non pertinente. L’un des sujets a passé la scène en simple tâche et l’autre en double tâche. De ce fait, nous ne pouvons pas savoir si la concurrence entre ces deux éléments provient d’une focalisation due à l’activité parallèle (ie : calcul mental).

Figure 123: Reconstitution, sujet 19, scène 12 ST
Figure 123: Reconstitution, sujet 19, scène 12 ST

Dans le même ordre d’idée, la figure 123 présente la réponse du sujet 19. Ce dernier, rectifie convenablement notre modification en repositionnant une voiture à gauche, mais il effectue deux autres changements. Ces deux changements sont de nature différente. La croix rouge matérialise la suppression du piéton qui marche sur le trottoir, avant de s’engager sur le passage piéton devant nous. Pour le sujet 19, nous avons ajouté ce piéton, il n’existait pas dans la vidéo qu’il vient de voir. Cette réponse est totalement fausse. De plus, le fait que ce sujet corrige notre modification sur la voiture de gauche mais supprime le piéton qui se trouve également à gauche, à quelques centimètres de la voiture tend bien à prouver que ce protocole analyse plus que des phénomènes perceptifs. En effet, s’il ne s’agissait que de perception visuelle nous pourrions imaginer qu’aucun des deux éléments n’a été perçu ou que les deux ont été perçus par le sujet. Le fait que le sujet n’ait le souvenir que de l’un d’entre eux indique bien qu’ils n’ont pas été traités de la même manière. Il n’est donc plus question uniquement de perception, mais nous nous situons bien au niveau de traitement cognitif de la représentation. Par ailleurs, la réponse du sujet qui positionne la voiture à droite, bien que comptabilisée en changement non attendu, n’est pas « aussi fausse » que sa réponse de suppression du piéton. En effet, cette réponse a été donnée par quatre sujets (1 en ST et 3 en DT), chacun expliquant qu’il était certain qu’une voiture arrivait par la priorité à droite. Cependant, ils précisaient tous qu’il s’agissait peut être de la voiture blanche mais que n’étant pas très sûrs d’eux, ils souhaitaient en rajouter une. En effet, ici la suppression du piéton est bien à compter comme une suppression fausse, alors que l’ajout de la voiture, et les précisions que les sujets fournissaient, ne peuvent pas être considérés comme des ajouts faux d’un objet qui n’existait pas du tout dans la vidéo. En revanche les changements non attendus que nous avons catégorisés en « déplacements » portent sur des objets comme cette voiture. La distinction de ces réponses provient essentiellement des verbalisations des sujets qui explicitent très clairement qu’ils ne souhaitent pas ajouter un nouvel objet dans la scène mais changer l’existant de position. Ce sont ces réponses qui nous permettent de commencer à analyser l’aspect dynamique des représentations mentales des conducteurs automobiles.