OSCAR combine à la fois les principes des techniques du rappel impronptu, du freeze, et de la cécité au changement, tout en utilisant de la vidéo afin de conserver le dynamisme des situations routières. ICARE n’est qu’une évolution technologique de notre protocole expérimental. Les fondements de la méthodologie n’ont pas été remis en cause. Aussi, par souci de vérification nous avons tenu à utiliser les mêmes séquences vidéos comportants les mêmes modifications.
Les données que nous avons recueillies, via ces deux protocoles auprès de l’ensemble de nos populations, nous ont permis, d’une part, de valider nos hypothèses de travail et d’autre part, d’ouvrir de nouvelles pistes d’investigations. Quelle que soit l’expérience de conduite, l’élaboration d’une représentation mentale de la situation nécessite des ressources cognitives. Globalement, les performances des conducteurs jeunes, expérimentés ou non expérimentés, ont toujours été dégradées par le manque de ressources cognitives. Cependant, le manque de ressources cognitives, provoqué par la double tâche, n’a pas eu le même impact en fonction des caractéristiques des modifications et en fonction des deux populations. En effet, l’expérience de conduite permet aux conducteurs d’une part, d’élaborer des représentations mentales plus adéquates à la situation de conduite, menant donc à des décisions plus sécuritaires, et d’autre part, de mieux gérer leur ressources cognitives. Nos résultats ont montré qu’en fonction de l’expérience, le conducteur n’accorde pas la priorité aux mêmes éléments de la situation selon leur distance. Les résultats d’OSCAR ont mis en évidence que les conducteurs expérimentés conservaient de bonnes performances pour les zones lointaines en double tâche, alors que les jeunes conducteurs semblaient donner plus de priorité à la zone proche. En outre, les données recueillies via OSCAR ont également permis de mettre en lumière que les éléments de la scène routière ne sont pas intégrés dans les représentations mentales de tous les conducteurs de la même manière selon qu’il s’agisse d’éléments de signalisations ou bien d’élément événementiels. En résumé, les événements se révèlent plus robustes face à la diminution des ressources cognitives que les éléments de signalisation. De ce fait, les différences liées à l’expérience et au manque de ressources cognitives font que les jeunes conducteurs non expérimentés manquant de ressources cognitives semblent élaborer des représentations mentales qui reposent majoritairement sur les événements au détriment des éléments de signalisation. Par contre, les conducteurs expériementés arrivent toujours à tenir compte des deux types d’éléments même lorsque nous monopolisons une partie de leurs ressources par la double tâche. La nature dynamique, et donc saillante des événements est sans doute à l’origine de ces résultats. En contre partie, ces données soulignent également que l’intégration des éléments de signalisations nécessite des ressources cognitives quelle que soit l’expérience des sujets, mais que l’expérience permet au conducteur de mieux assurer cette recherche d’information même lorsqu’ils mènent une activité parallèle à la conduite. Toutefois, les premiers résultats obtenus via ICARE, auprès de conducteurs expérimentés, ont montré que le manque de ressources cognitives peut également affecter la prise en compte des événéments. Ainsi, si ces éléments s’avèrent plus robustes au manque de ressources cognitives ils ne sont pas intouchables. Par ailleurs, la participation à l’étude VISA a permis de constater qu’en fonction de l’âge des conducteurs, la qualité des représentations mentales de la situation est moins bonne. Cependant, l’expérience de ces conducteurs leur permet notamment de conserver des capacités d’anticipation presque meilleures que de jeunes conducteurs non expérimentés. Par ailleurs, OSCAR a permis de distinguer les populations de conducteurs âgés et de conducteurs âgés « cas » (ie : sensibilité du test). Enfin, les performances des conducteurs âgés à OSCAR étaient significativement corrélées aux scores de pénalités sur route obtenus par cette population (ie : validité écologique du test). De ce fait, si nous n’avons pas observé d’impact de la double tâche chez les conducteurs âgés, cela ne provient pas de notre protocole mais des difficultés propres à cette population.
Enfin, les évolutions techniques apportent de nouvelles pistes d’études. Premièrement, les différents niveaux de saisie des réponses via ICARE ont permis d’obtenir des données d’un niveau macroscopique. Ces informations indiquent que le manque de ressources cognitives augmente l’incertitude des sujets (ie : augementation des réponses « je ne sais pas si la scène a été modifiée » en double tâche) ; et que les fausses réponses données par les sujets (ie : oui_NA) sont plus fréquentes en double tâche et elles touchent majoritairement aux événements car, elles correspondent avant tout à des déplacements d’objets. En outre ces déplacements témoignent le plus souvent d’un retard par rapport au dynamisme de la situation. Deuxièmement, il nous a été possible de caractériser les modifications de manière plus précise : en fonction des objets modifiés il semblerait qu’au sein d’une même catégorie d’objet (ie : signalisation ou événéments) les performances de détection des sujets ne soient pas les mêmes pour tous les types d’objets. Nos données ne nous ont pas permis de réaliser de tests statistiques, mais il nous a semblé qu’un degré de priorité est donné à certains éléments de la route (ie : les piétons plus que les voitures ; les feux tricolores plus que les sens interdit). C’est pourquoi il serait intéressant de recueillir de nouvelles séquences vidéos de scènes routières afin d’étudier cette question. Nous pourrions alors nous interroger sur l’effet de l’expérience, mais aussi sur celui du manque de ressources cognitives sur cette dimension. Troisièmement, la capacité d’ICARE à générer a postériori les réponses données par les sujets nous a permis d’entrevoir la possibilité d’analyser des aspects dynamiques et temporels des représentations mentales des conducteurs. Ces visualisations nous ont également permis de concrétiser les réponses fausses de types « déplacement » au sein des situations. Ainsi, nous avons constaté qu’au sein d’une même situation, un même sujet peut anticiper le déplacement de certains événément et en retarder d’autres. Nous avons également présenté des cas où les sujets décalaient tous les éléments dynamiques de la situation à un temps t précédant l’arrêt de la vidéo. Enfin, ces reconstitutions nous ont également permis de matérialiser les réponses que nous avons qualifiées de ‘’non attendues’’ (hormis les déplacements). Quelques fois, ces réponses sont fournies dans des situations où un autre élément de la scène a pu rentrer en concurrence avec l’élement que nous avions modifié. L’élément rival était alors soit mal intégré ou pas du tout intégré (ie : le sujet supprime un élément existant dans la scène réelle, croyant que nous l’avions ajouté). Ce dernier type de réponse est selon nous un angle d’analyse à développer afin d’analyser les questions de la pertinence des informations sélectionnées dans la scène en fonction de l’expérience. C’est pourquoi, nous pensons qu’il serait très intéressant, d’une part, de lancer une expérimentation d’ICARE avec des conducteurs non expérimentés, et d’autre part de procéder au recueil de situation routière mettant en scène des concurrences entre des éléments pertinents pour le conducteur. Enfin, le feed-back visuel nous a également permis d’interagir avec les sujets dès la fin de leur passation. En effet, un grand nombre de participants étaient soucieux de connaître les « bonnes réponses », ainsi que les objectifs de nos expérimentations. Lors de l’utilisation d’OSCAR, il était laborieux de revisionner la cassette vidéo dans son intégralité. Par contre, ICARE permet quant à lui de revisionner uniquement les scènes finales en affichant conjointement, la réponse du sujet, et la réponse attendue. A chaque session de feed-back, les sujets ont été contents d’avoir un retour sur leur performance et de discuter avec nous des tendances générales que nous avions déjà observées. La majorité des personnes a été très receptive et demandeuse d’explications sur leurs propres performances.
En outre, au cours de ces trois années de thèse, nous avons eu l’opportunité de présenter notre outil auprès de divers publics. Ces expériences en dehors du monde de la recherche nous ont permis de mesurer l’intérêt applicatif de notre travail. En effet, qu’il s’agisse de professionnels de la formation routière (Mr René Chomette, Responsable Ecole de Conduite Française de Bron ; Mr Gérard Lombardo AFCASER), ou d’industriels (Lauréat des 11ème Carrefour de la Fondation Rhône-Alpes Futur en novembre 2003, pour la catégorie « technologie de l’information »). ICARE a toujours été accueilli avec beaucoup d’intérêt et d’encouragements.