Introduction

Lorsque la lecture est correctement acquise, les phrases d’un texte sont comprises sans difficulté et de manière continue. Le regard saute d’un point à un autre des lignes, permettant ainsi d’extraire l’information visuelle critique qui va conduire à l’identification des mots.

Les modèles actuels de la lecture silencieuse considèrent généralement que la présentation d’un mot écrit provoque d’abord l’activation d’un ensemble limité de candidats lexicaux formellement proches du stimulus, puis la sélection d’un seul d’entre eux (e.g., McClelland & Rumelhart, 1981 ; Paap, Newsome, McDonald & Schvaneveldt, 1982 ; Segui, 1991). Autrement dit, lire, c’est récupérer parmi des milliers de mots, la représentation du mot stockée dans le lexique mental.

Pour autant, notre manière d’extraire l’information visuelle influence directement l’efficacité de la reconnaissance des mots. En particulier, la facilité avec laquelle un lecteur expert reconnaît un mot présenté brièvement dépend de la localisation de son regard dans le mot (e.g. O’Regan, Lévy-Schoen, Pynte, & Brugaillère, 1984). La reconnaissance du mot est maximisée lorsque le regard se situe légèrement à gauche du centre et, diminue à mesure qu’on s’éloigne de cette position optimale, vers le début ou vers la fin du mot (phénomène de l’effet de la position du regard).

Dans ce contexte, la reconnaissance d’un mot écrit ne peut être envisagée du seul point de vue lexical et un rôle prépondérant doit être attribué aux facteurs visuels. L’objectif de ce travail est de mieux déterminer comment les facteurs lexicaux et les facteurs visuels interagissent au cours de la reconnaissance des mots écrits. Cette interrogation sera abordée par le biais de l’investigation du phénomène de l’effet de la position du regard au cours de la lecture.

Nous allons dans un premier temps donner un aperçu de la reconnaissance visuelle des mots selon les modèles actuels de la lecture. Puis, nous nous pencherons plus précisément sur le phénomène de l’effet de la position du regard dans le mot en exposant les différentes théories qui lui sont attribuées, en particulier celles ciblant le point de vue visuel et le point de vue lexical. Une réelle avancée vers une tentative de réconciliation de ces deux théories a été réalisée grâce au développement de modèles dits « visuo-lexicaux », lesquels permettront d’avancer un certain nombre d’arguments concernant l’origine de l’effet de la position du regard dans le mot.