Chapitre 3
Contraintes lexicales et Lisibilité des lettres

3-1 Contrainte orthographique

3-1-1 L’effet de supériorité du début du mot

Dans les langages comme l’anglais et le français, on reconnaît mieux un mot à partir de ses premières lettres qu’à partir de ses dernières lettres (e.g., Clark & O’Regan, 1999 ; Eriksen & Eriksen, 1974 ; Grainger & Jacobs, 1993 ; Humphreys et al., 1990 ; Inhoff & Tousman, 1990 ; Lima & Pollatsek, 1983 ; O’Regan et al, 1984 ; Pynte, 1996). En utilisant le paradigme d’amorçage Inhoff & Tousman (1990) ont montré que les latences de décision lexicale et de dénomination du mot cible anglais « DINNER » étaient plus rapides lorsque ce dernier était précédé par l’amorce « DINXXX » plutôt que par l’amorce « XXXNER ». De même, Grainger et Jacobs (1993) ont montré que les 4 lettres de l’amorce « TABL% » tendaient à donner lieu à des latences de décision lexicale plus courtes sur le mot cible « table » que les amorces « %ABLE » ou même « TA%LE ».

L’interprétation principalement attribuée à cet avantage du début du mot repose sur la notion de contrainte lexicale ou « informativité  » des mots. La contrainte lexicale est liée au nombre de mots pouvant être inféré à partir d’une information sensorielle limitée. Par exemple, si le participant a identifié uniquement les quatre premières lettres « TABL » et qu’il sait qu’elles forment les premières lettres d’un mot de 5 lettres, alors une seule inférence est possible : le mot « table ». D’un autre côté, les quatre dernières lettres « ABLE » d’un mot de 5 lettres sont dites moins contraignantes (ou moins informatives) car plusieurs mots “cable”, “fable”, “sable”, “table” peuvent alors être inférés. D’un point de vu statistique, la première partie des mots est généralement « plus contraignante » que la seconde partie des mots, du moins en français et en anglais (e.g., Clark & O’Regan, 1999 ; O’Regan et al, 1984).