3-2 Structure morphologique

3-2-1 Notion de structure morphologique

La notion de contrainte lexicale est étroitement liée à la structure morphologique des mots, en particulier, les racines des mots constituent généralement les parties informatives des mots. Les mots français peuvent se répartir en mots simples et mots construits. Les mots simples ou monomorphémiques sont des mots qui ne sont pas décomposables ; les mots construits ou polymorphémiques, par contre, peuvent être décomposés en éléments significatifs plus petits, les morphèmes. Par exemple, le mot « fleur » est un mot simple, par contre les mots « boisson, buvable, imbuvable, pourboire » sont construits à partir du mot simple « boire  ». En français, on estime que 75% des mots contenus dans le lexique d’un lecteur « normal » sont polymorphémiques (Rey-Debove, 1984).

La morphologie dérivationnelle étudie la formation des mots nouveaux grâce à l’ajout de morphèmes à des mots existants. Il existe deux types de mots nouveaux, les mots composés comme « pourboire » et les mots dérivés comme « boisson, buvable ». Les mécanismes dérivationnels de la formation des mots dérivés sont la suffixation, la préfixation et l’infixation. Les affixes (ou morphèmes) liés sont des préfixes, des suffixes ou des infixes. Les préfixes s’ajoutent au début d’un morphème de base ou racine (par exemple « rechanter »), les suffixes s’ajoutent à la fin de la racine (par exemple « chanteur ») enfin, les infixes (par exemple « chantonner ») sont mêlés à la racine des mots.

En français, comme pour la plupart des langues indo-européennes 8 , les formes suffixées sont beaucoup plus fréquentes que les formes préfixées (Greenberg, 1966). Par ailleurs, les mots composés sont beaucoup moins fréquents en français que les mots suffixés. La structure des mots complexes varie à travers les langues et certaines langues sont morphologiquement plus riches que d’autres. Dans les langues isolantes comme le chinois, les mots tendent à être monomorphémiques. Dans les langues flexionnelles, comme l’anglais, le français ou l’hébreu, les mots sont souvent composés de plusieurs morphèmes. Parmi les langues flexionnelles, on distingue les langues concaténatives et les langues non concaténatives. Dans les langues concaténatives comme l’anglais, le français ou l’italien par exemple, la préfixation et la suffixation de morphèmes est le procédé morphologique le plus répandu. Par définition, les processus de préfixation et de suffixation entraînent une concaténation linéaire des unités morphémiques ; tandis que l’infixation est non concaténative puisque l’intégrité du morphème de base est modifiée. C’est précisément le cas des langues non concaténatives comme l’hébreu ainsi que la plupart des langues sémitiques comme l’arabe, où la formation morphologique repose principalement sur l’infixation. Ainsi, la plupart des mots hébreux sont constitués par l’entrelacement de deux morphèmes, un squelette de consonnes qui correspond à la racine et un patron phonologique.

Les langues concaténatives et non concaténatives se distinguent par la combinaison des unités morphologiques, ce qui a certainement des implications sur la manière dont les mots complexes sont représentés et traités au cours de la lecture (e.g., Frost, Forster, & Deutsch, 1997).

Notes
8.

Les langues indo-européennes sont issues de l’Indo-Europe, non directement attestées mais reconstituées par comparaison de différentes langues à l’origine desquelles elles se trouvent.