5-3 Analyses supplémentaires

5-3-1 Identification des lettres et codage de la position

Les réponses correctes et incorrectes ont été ré-analysées au niveau de la lettre. Une lettre présente dans le stimulus cible a été considérée comme étant correctement identifiée, indépendamment de sa position sérielle dans le stimulus réponse. Par exemple, les deux premières lettres du mot « BANQUE » étaient considérées comme correctes que le participant ait répondu « ba » ou « ab ». Dans ces deux cas, un score de « 1 » a été attribué aux deux premières lettres du mot et un score de « 0 » pour les autres lettres. Par ailleurs, lorsqu’une lettre était présente deux fois dans le stimulus cible (comme le « r » dans « BEURRE » par exemple) et que le participant ne la retranscrit qu’une seule fois, nous avons attribué un score de « 1 » pour ces deux lettres puisque nous ne pouvions pas décider laquelle des deux lettres avait été vue.

La Figure 23 présente les pourcentages de lettres individuelles correctement identifiées ainsi que les pourcentages d’identifications correctes des séquences de lettres (cf. Figure 20), en fonction de la position du regard dans le stimulus. Les résultats montrent clairement que le nombre de lettres individuelles correctement identifiées indépendamment de la position sérielle dans la séquence (panel de droite de la Figure 23) est beaucoup plus élevé que le nombre de séquences de lettres correctement rapportées (panel de gauche de la Figure 23). Par ailleurs, ces résultats mettent en avant le fait que la différence entre les mots et les pseudomots est beaucoup plus prononcée sur les proportions de séquences de lettres rapportées que sur les proportions de lettres individuelles correctement identifiées.

Figure 23. Pourcentages d’identification des séquences de lettres (à gauche) et pourcentages de lettres correctement identifiées, indépendamment de leur position dans la séquence (à droite), obtenus pour les mots (symboles pleins) et pour les pseudomots (symboles vides), en fonction de la position du regard dans le stimulus (expérience 1).

Une analyse de variance multivariée (MANOVA) a été réalisée sur les variables dépendantes « séquences de lettres » et « lettres individuelles correctes », comportant la catégorie lexicale (mots vs pseudomots) comme facteur. Cette analyse tient compte des éventuelles corrélations entre les variables dépendantes. L’analyse a révélé un effet significatif de la catégorie lexicale [F(2,37)= 60.9 ; p<.0001]. Les tests univariés ANOVA ont indiqué que la catégorie lexicale était significative sur les variables « séquences de lettres » et « lettres individuelles correctes » [F(1,38)= 63.5 ; p<.0001 ; F(1,38)= 13.7 ; p<.001] respectivement.

Ainsi, alors que le nombre de séquences de lettres correctement rapportées diffère considérablement entre les mots et les pseudomots (79,5% et 48,5% réponses correctes en moyenne respectivement), le nombre total de lettres individuelles correctement identifiées lorsque la position sérielle n’est pas prise en considération est quasi identique dans les deux conditions (94.9% et 90,5% réponses correctes en moyenne respectivement), bien que cette différence soit significative.

Ces observations vont par conséquent à l’encontre de l’hypothèse du modèle CLIP selon laquelle l’identité et la position d’une lettre sont codées en même temps. Nos résultats montrent que lorsqu’une lettre est identifiée, sa position n’est pas systématiquement codée. L’analyse des lettres a en outre permis de mettre en évidence que l’avantage des mots sur les pseudomots n’était pas lié à une meilleure récupération de l’identité des lettres, mais plutôt à un meilleur codage de la position des lettres dans la séquence. Ces remarques suggèrent que la récupération de l’identité des lettres serait un processus « visuo-perceptif». En revanche, le codage de la position serait un processus « lexical », faisant appel aux connaissances orthographiques (et phonologiques) de la langue.