5-3-3 Discussion

L’ensemble des observations issues de l’analyse de l’identification des lettres permet donc d’affirmer que, contrairement aux hypothèses initiales du modèle CLIP (Kajii, 2000, voir aussi McClelland et Rumelhart, 1981 ; Paap et al., 1982, pour une proposition similaire), le codage de l’identité et de la position d’une lettre n’est pas automatiquement lié. Nos résultats vont par conséquent dans le sens des études en faveur de l’hypothèse d’un codage de la position relative des lettres, laquelle a obtenu de plus en plus de crédit ces dernières années (e.g., Humphreys et al., 1990 ; Grainger & Jacobs, 1991 ; Peressotti & Grainger, 1995, 1999 ; Stevens et Grainger, 2003 ). L’analyse qualitative des erreurs a permis, par ailleurs, d’apporter des arguments supplémentaires à l’encontre d’un codage absolu de la position des lettres. Les erreurs d’inférence lexicale, commises par les participants, n’étaient pas strictement de la même longueur que le stimulus, suggérant que la longueur des stimuli n’est pas précisément codée.

Par ailleurs, il est important de souligner que 64% des inférences incorrectes recueillies, étaient des mots de plus haute fréquence que le stimulus. Cette remarque rejoint les précédentes observations rapportées par Grainger et Segui (1990) à la suite d’une tâche d’identification perceptive de mots. Les erreurs les plus fréquemment observées consistaient à donner un voisin orthographique plus fréquent que le stimulus. Des constatations similaires ont également été rapportées par Snodgrass & Mintzer (1993). Il a ainsi été suggéré que lorsque le participant était dans une situation de « devinement », le candidat lexical le plus fréquent s’impose alors naturellement (voir aussi Forster & Shen, 1996).

Ainsi, la prise en considération d’un certain nombre de facteurs, supposés influents pour la reconnaissance des mots, va nous permettre de faire de meilleures prédictions des données empiriques de l’expérience 1. En particulier, dans le but de tester davantage l’hypothèse d’un effet de la fréquence du voisinage, seuls les « voisins CLIP » dont la fréquence d’usage est supérieure aux stimuli mots seront introduits dans les simulations. De plus, afin de pallier aux limites d’un codage absolu de la position des lettres, deux « fourchettes » de longueur vont être testées : les mots de longueur comprise « entre 3 et 10 lettres », comme proposé par Stevens et Grainger (2003), et les mots « entre 5 et 7 lettres », conformément aux observations issues de l’analyse qualitative des erreurs. Ainsi, par exemple, les candidats lexicaux activés par le CLIP partiel « CHA**E », identifié à partir du stimulus « CHAISE » (possédant une fréquence d’usage de 48.45 occurrences par million), sont « CHANCE » (77.3), « CHAMBRE » (231.23) et « CHARGE » (68.23).