6-3-5 Simulation 7 : Décisions lexicales correctes pour les mots et les pseudomots

La même démarche que celle présentée dans le paragraphe précédent (paragraphe 6-3) a été suivie afin de prédire les pourcentages de Hits et de rejets corrects obtenus dans la tâche de décision lexicale via le modèle CLIP. Plus précisément, la probabilité de Hits a été estimée par la formule suivante : [(2) + ((7)-(((2)–(3)))] et la probabilité de rejets corrects par : [(3) + 1-((3)+(7))]. Les résultats des calculs sont présentés dans la Figure 38.

Figure 38. Courbes théoriques et empiriques de l’EPR dans les mots et dans les pseudomots dans la tâche de décision lexicale (expérience 2). Les lignes continues représentent les données théoriques et les lignes pointillées, les données empiriques.

Les résultats montrent une fois encore que, bien que le chevauchement des courbes ne soit pas très précis (RMSD = .04 et .06, respectivement pour les mots et les rejets corrects), la hauteur des courbes théoriques correspond relativement bien à celle des courbes obtenues empiriquement.

Ainsi, sur l’ensemble des résultats obtenus à l’issue des simulations avec le modèle CLIP, lorsque les données sont présentées en fonction de la position du regard, l’ajustement des courbes empiriques et théoriques s’est avéré moins précis, en comparaison avec les données de l’expérience 1. Toutefois, si l’on présente ces mêmes données moyennées à travers les cinq positions du regard (voir la Figure 39), l’ajustement des données empiriques et théoriques est alors quasi parfait, comme indiqué par les valeurs plus faibles des RMSD (voir la Table 8). La précision des simulations est vraisemblablement liée aux chois des CLIPs partiels utilisés, lesquels diffèrent en fonction de la longueur des stimuli. Ce point sera abordé dans la discussion générale.

Figure 39. Comparaison des données obtenues empiriquement à l’issue de l’expérience 2 (histogrammes vides) et calculées théoriquement via le modèle CLIP (histogrammes pleins) dans la tâche d’identification perceptive (panel de gauche) et dans la tâche de décision lexicale (panel de droite).
Table 8. Valeurs des RMSD minimum calculées pour les différents types de réponses entre les données empiriques et les données théoriques obtenues via le modèle CLIP (expérience 2), moyennées à travers les cinq positions du regard.

En résumé, sur l’ensemble des résultats présentés à l’issue de l’expérience 2, les performances de réponses correctes obtenues empiriquement dans la tâche de décision lexicale (Hits et rejets corrects) se sont avérées fortement prédictibles à partir des données obtenues dans la tâche d’identification perceptive, calculées empiriquement, et simulées via le modèle CLIP. Conformément à nos prédictions, ces observations indiquent, que bien que les réponses comportementales enregistrées dans la tâche d’identification et dans la tâche de décision lexicale soient différentes, les processus cognitifs sous-jacents à ces deux tâches semblent fortement similaires.

Ces processus cognitifs se sont révélés , en outre, fortement dépendants de la lisibilité des lettres et de la contrainte lexicale. Ainsi, le processus d’identification totale est optimisé lorsque la lisibilité des lettres (et la contrainte lexicale) sont maximales. L’inférence lexicale, à partir d’une information visuelle partielle (CLIP partiel), nécessite le codage d’une quantité minimale de lettres du stimulus et dépend de la contrainte lexicale du stimulus. Elle donne lieu à des inférences correctes et incorrectes dans le cas des stimuli mots et à des erreurs de lexicalisations dans le cas des pseudomots. En particulier, en fonction du type de candidats lexicaux activés, l’inférence lexicale est correcte ou incorrecte. Plus précisément, lorsque les contraintes lexicales sont fortes, l’inférence est correcte. C’est le cas, par exemple, lorsque le mot cible possède peu ou pas de voisins de plus haute fréquence ; autrement dit lorsque le voisinage est peu compétitif. Au contraire, lorsque le nombre de candidats lexicaux activés, de plus haute fréquence que le mot cible est très élevé, des erreurs d’inférence lexicale ont lieu, en particulier la production de mots de plus haute fréquence que le stimulus. Ce mécanisme donne également lieu à des erreurs de lexicalisations lorsque le stimulus est un pseudomot. Enfin, les omissions se produisent lorsque la lisibilité des lettres est minimale et/ou les contraintes lexicales insuffisantes pour inférer un mot.

Enfin, nous avons vu que les réponses comportementales enregistrées dépendent en partie de la tâche utilisée pour mesurer les processus cognitifs impliqués dans la reconnaissance des mots. Il est, par conséquent, crucial de développer outre une théorie de la lecture, une théorie de la tâche utilisée afin de mieux appréhender les mécanismes cognitifs impliqués (e.g., Balota & Chumbley, 1984 ; Grainger & Jacobs, 1994 ; Grainger & Jacobs, 1996).