7-2-2 Résultats et discussion

Afin d’évaluer la distance entre la lettre cible et la position du regard (i.e., l’excentricité de la lettre), la position sérielle des lettres a été référée en degrés d’angle visuel avec des valeurs positives à droite ou en dessous de la fixation (CVD et CVI respectivement) et des valeurs négatives pour les positions à gauche ou au dessus de la fixation (CVG et CVS respectivement). Conformément à la démarche préconisée par Nazir et al. (1991 ; 1998), les valeurs des lettres les plus excentrées dans les quatre champs visuels ont été exclues des analyses.

La Figure 43 présente les scores d’identification de lettres correctes avec les lignes de régression en fonction de la distance de la lettre cible par rapport à la fixation.

Figure 43. Pourcentages d’identification correcte de lettres cible et lignes de régression obtenues dans des séquences horizontales (panel de gauche) et verticales (panel de droite) en fonction de l’excentricité de la lettre en degré d’angle visuel et de la position dans le champ visuel (CVG, CVD, CVS et CVI).

Les scores de réponses correctes ont été soumis à une ANOVA réalisée séparément pour chacune des deux conditions de présentation (horizontale vs verticale) avec le champ visuel (droit/gauche et inférieur/supérieur) et la distance de la lettre cible par rapport à la fixation comme facteurs intra sujets.

À l’issue de ces analyses, un effet principal un effet de la distance de la lettre cible par rapport à la fixation s’est avéré significatif dans les deux conditions de présentation, horizontale et verticale [F(4,20)= 18,6 ; p<.0001 et F(4,20)= 3,9 ; p<.01 respectivement]. Ainsi, la probabilité d’identifier une lettre cible diminue à mesure que cette lettre dévie du point de fixation indiquant que l’acuité visuelle chute linéairement dans le méridien horizontal et dans le méridien vertical (Weymouth et al., 1928). Par ailleurs, conformément aux résultats antérieurs (e.g., Bouma, 1973 ; Kajii & Osaka, 2000 ; Nazir et al., 1991 ; 1998 ; 2004), une asymétrie de la lisibilité des lettres dans le méridien horizontal a été mis en évidence dans la condition de présentation horizontale [F(1,5)= 12.4 ; p<.05] mais pas dans la condition de présentation verticale (F>1). Enfin, l’interaction significative entre le champ visuel et la distance de la lettre cible par rapport à la fixation dans la condition de présentation horizontale et dans la condition de présentation verticale [F(4,20)= 28,3 ; p<.0001 et F(4,20)= 160,8 ; p<.0001 respectivement] suggère que la diminution de lisibilité des lettres est plus importante dans le CVG par rapport au CVD dans le méridien horizontal, et dans le CVS par rapport au CVI ,dans le méridien vertical.

Le calcul des quatre lignes de régression linéaire a confirmé une diminution significative des scores d’identification de la lettre cible dans les quatre champs visuels (p< .05, voir Table 10). les rapports de l’asymétrie, gauche/droite s’élève à .368 / .292 = 1.3. et supérieur/inférieur s’élève à .392 / .318 = 1.2.

Table 10. Paramètres et coefficients de l’analyse de régression linéaire pour les champs visuel droit (CVD), gauche (CVG), inférieur (CVI) et supérieur (CVS) pour des séquences de 6 lettres. Les lettres externes ont été exclues des analyses (voir le texte).

Notez que les résultats obtenus à l’issue de cette expérience de lisibilité des lettres montrent que, même lorsque les facteurs liés à la dominance hémisphérique pour le langage et à la direction de lecture sont neutralisés par la présentation des séquences dans le méridien vertical, une asymétrie persiste. Il semblerait, comme le soulignent Schwartz et Kirsner (1982 ; Kirsner et Schwartz, 1986) que des biais attentionnels liés au « balayage horizontal » induisent également une asymétrie inférieure/supérieure avec de meilleures performances dans le « sens de la direction de lecture » (voir aussi Whitney, 2001). Ces résultats diffèrent en outre, de ceux obtenus avec des caractères japonais présentés dans des séquences verticales (Kajii & Osaka, 2000) où les taux de diminution de lisibilité des lettres dans le champ visuel inférieur et dans le champ visuel supérieur se sont avérés identiques. Une possible explication à cette divergence de résultats entre les deux scripts, roman et japonais, pourrait être liée au fait que les séquences de caractères utilisées dans l’expérience de lisibilité menée par Kajii et Osaka (2000) étaient différentes. Il s’agissait de séquences composées d’un caractère japonais cible entouré de deux chiffres.

Les valeurs des rapports d’asymétrie dans le méridien horizontal (1.3) et dans le méridien vertical (1.2) obtenues à l’issue de cette expérience vont être utilisées pour prédire les probabilités empiriques de reconnaissance des mots de l’expérience 3.