7-3-2 Résultats

La Figure 46 résume les résultats obtenus à l’issue de l’expérience 5. Le graphique de gauche représente les données obtenues dans la condition de présentation horizontale ; le graphique de droite, les données obtenues dans la condition de présentation verticale.

Figure 46. Pourcentages de décision lexicale correcte obtenues pour les mots (symboles pleins) et les pseudomots (symboles vides) en fonction du format de présentation horizontal (à gauche) et vertical (à droite) et de la position du regard dans le stimulus.

Les scores de réponses correctes ont été soumis à une analyse de variance réalisée séparément pour chacune des deux conditions de présentation (horizontale vs verticale) incluant la catégorie lexicale (mots vs pseudomots), et la position du regard dans le stimulus (position de 1 à 5) comme facteurs intra sujets.

Dans la condition de présentation horizontale, l’effet de la catégorie lexicale ne s’est pas avéré significatif (F>1) ; en revanche des effets significatifs de la position du regard [F(4,76)=12.5, p<.0001] et de l’interaction entre la catégorie lexicale et la position du regard [F(4,76)=10.8, p<.001] ont été observés. Dans la condition de présentation verticale, des effets significatifs de la catégorie lexicale [F(1,19)= 13.1, p=.002] et de la position du regard [F(4,76)=8.3, p<.0001] ont été mis en évidence. L’interaction entre la catégorie lexicale et la position du regard s’est également avérée significative [F(4,76)=7.1, p<.001].

Comme on peut le voir sur la Figure 46 (graphique de gauche), les mots horizontaux sont mieux identifiés que les pseudomots horizontaux lorsque le regard se pose au début des stimuli ; en revanche, lorsque les participants fixent la fin des stimuli, les performances de décision lexicale sont similaires, bien que les pseudomots tendent à donner lieu à de meilleurs scores. En revanche, dans la condition verticale, les résultats sont quelque peu surprenants. En effet, les scores de réponses correctes, relevés pour les pseudomots, sont supérieurs à ceux relevés pour les mots, et cette différence est plus prononcée lorsque le regard se pose sur la fin des stimuli que lorsqu’il se pose sur le début du stimuli. Des analyses supplémentaires ont mis en évidence une variation significative des performances en fonction de la position du regard pour les mots horizontaux [F(4,76)=19.9, p<.0001] et pour les mots verticaux [F(4,76)=12.5, p<.0001]. Les hits se sont avérés plus élevés lorsque le regard se posait au début des mots que lorsque le regard était situé à la fin des mots [F(1,19)=21.8, p<.001 ; F(1,19)=20.5, p<.001, respectivement pour les mots horizontaux et verticaux]. Aucun effet de la position du regard n’a été obtenu pour les pseudomots (F>1).

Les courbes de l’EPR dans les mots horizontaux et verticaux présentent une forme classique de « U » inversé avec de meilleures performances lorsque les participants fixent le début des stimuli que lorsqu’ils fixent la fin. En revanche, les courbes de l’EPR dans les pseudomots sont plates. Bien que les rejets corrects dans la condition de présentation verticale soient plus élevés pour les positions 4 et 5 que pour les positions 1 et 2, cette différence ne s’est pas avérée significative. Par ailleurs, bien que les mots soient généralement mieux reconnus que les pseudomots dans la condition de présentation horizontale, lorsque les stimulus sont disposés verticalement ce sont les pseudomots qui tendent à donner lieu à de meilleures performances de reconnaissance ; le niveau de performance des Hits est proche voire en dessous du niveau du hasard. Ces résultats vont par conséquent dans le sens de nos hypothèses prédisant des performances élevées pour les pseudomots verticaux du fait du plus faible nombre de fausses alarmes, au détriment des réponses correctes pour

les mots verticaux.

Les données empiriques obtenues à l’issue de l’expérience 5 (cf., Figure 46) ont été comparées directement aux données calculées à partir des réponses de la tâche d’identification perceptive (expérience 3, cf., Figure 45). Ces comparaisons sont présentées dans la Figure 47.

Figure 47. Pourcentages de hits (symboles ronds) et de rejets corrects (symboles carrés), « calculés » à partir de l’identification (symboles pleins) ,et observés dans la tâche de décision lexicale (symboles vides) en fonction de la position du regard dans le stimulus et de la condition de présentation.

Étant donné que les temps de présentation des stimuli dans la condition de présentation verticale étaient différents dans la tâche d’identification perceptive (170ms) et dans la tâche de décision lexicale (68ms), les données « calculées » et « empiriques » sont présentées séparément pour cette condition. Ainsi, bien que le niveau de performance est différent entre les deux conditions « calculées » et « empiriques », le patron général des résultats « calculés » reproduit de manière fortement similaire celui observé empiriquement.

Dans la condition de présentation horizontale en revanche, les temps d’exposition des stimuli étaient identiques (17ms) entre les deux tâches, permettant d’établir une comparaison directe entre les deux. Ainsi, comme l’indique le graphique de gauche de la Figure 47, les pourcentages de hits et de rejets corrects « calculées » sont fortement similaires à ceux observées empiriquement non seulement d’un point de vue de la hauteur mais aussi de la forme des courbes (RMSD = .06 et .05, respectivement pour les hits et les rejets corrects).

En résumé, Le fait que le plus faible nombre d’erreurs de lexicalisation dans la condition de présentation verticale par rapport à la condition de présentation horizontale se répercute sur le nombre de fausses alarmes observé dans la tâche de décision lexicale apporte des arguments supplémentaires en faveur de notre hypothèse selon laquelle les processus cognitifs sont bien attribuables à des mécanismes généraux de la reconnaissance visuelle des mots.

Ces résultats indiquent, par ailleurs, que les meilleures performances observées pour les pseudomots verticaux par rapport aux mots verticaux dans la tâche de décision lexicale, ne sont pas dûs à une « meilleure identification » des pseudomots, mais au biais de réponse lié à la tâche. Des résultats comparables ont été rapportés par Driver et Baylis (1995) dans une tâche de décision lexicale. Dans cette étude, ces auteurs ont utilisé des mots et des pseudomots présentés verticalement ou inclinés de 90° dans le sens des aiguilles d’une montre. Ils observent, outre le fait que les stimuli inclinés de 90° entraînent de meilleures performances que les stimuli présentés verticalement, des décisions lexicales plus précises pour les pseudomots que pour les mots de basse fréquence dans les deux conditions de présentation. Cependant, les participants mettent plus de temps à rejeter les pseudomots qu’à accepter les mots. Une analyse des temps de réaction a été réalisée sur les réponses correctes mesurées à l’issue de l’expérience 5. Du fait que la consigne ne mettait pas l’accent sur la vitesse des réponses mais sur la précision, les données enregistrées sont relativement grossières. Un élagage a été conduit sur les données. Les temps de réponse non compris dans l’intervalle défini par la moyenne plus ou moins 2,5 fois l'écart-type n'ont pas été pris en compte. Les résultats obtenus indiquent que les temps de réponse moyens étaient généralement plus élevés pour les mots que pour les pseudomots (867.8 ms et 982.6 ms respectivement) dans la condition de présentation horizontale et (1309.4 ms et 1335.5 ms respectivement) dans la condition de présentation verticale.