Chapitre 8
Discussion générale et Conclusion

8-1 Résumé

L’objectif de ce travail était de déterminer dans quelle mesure, un modèle mathématique relativement “ simple ”, considérant les facteurs visuels et les facteurs lexicaux, pouvait prédire la reconnaissance visuelle des mots chez les lecteurs experts. À partir d’un modèle, initialement proposé par Kajii (Kajii, 2000, Kajii & Osaka, 2000), nous avons élaboré un certain nombre d’hypothèses relatives aux aspects perceptifs et lexicaux de la reconnaissance de mots écrits. Dans ce contexte, nous avons modifié le modèle initial de manière à rendre compte, non seulement de la reconnaissance des mots (Kajii & Osaka, 2000), mais aussi de la reconnaissance des pseudomots, et de l’occurrence des différents types d’erreurs (lexicalisation des pseudomots, inférences incorrectes des mot et omissions), typiquement observées lors de présentations non optimales des stimuli orthographiques. Ce modèle est décrit dans l’équation suivante :

avec P(Ci) représentant les aspects perceptifs et P(WCi) les aspects lexicaux. Contrairement à la version initiale du modèle, utilisant un codage absolu de la position des lettres et une estimation empirique des facteurs lexicaux, nous avons choisi d’utiliser un codage de la position des lettres moins rigoureux et une estimation des facteurs lexicaux provenant d’une base de données lexicales établie (e.g. d’après la base “ Lexique ”, New et al., 2001). Ainsi, de manière cohérente avec les précédentes observations empiriques, mettant en évidence des effets d’amorçage variables en fonction du nombre et de la position des lettres partagées par l’amorce et la cible (e.g., Humphreys et al., 1990 ; Peressotti & Grainger, 1995, 1999), nous avons supposé qu’un ensemble de lettres identifiées, dans des conditions de présentation non optimale, pouvait activer des candidats lexicaux, légèrement plus courts ou plus longs que le mot cible. Ceci, à condition que le stimulus et les candidats lexicaux partagent les mêmes lettres initiale et finale ainsi que certaines lettres internes, dans le bon ordre mais pas nécessairement à la même position absolue. Par ailleurs, conformément aux études mesurant l’effet du voisinage orthographique sur la perception de mots cibles (voir Andrews, 1997 et Mathey, 2001 pour des revues récentes), nous avons fait l’hypothèse que seuls les candidats possédant une fréquence d’occurrence plus élevée que la cible pouvaient entrer en compétition durant le traitement du stimulus. L’application de ces différents postulats, a permis de mettre en évidence des ajustements remarquables entre les données théoriques et empiriques. Selon que P(WCi) soit défini comme la probabilité d’identifier un mot spécifique (équation (5)), ou la probabilité d’identifier n’importe quel mot (équation (8)), le modèle prédit les reconnaissances correctes et incorrectes du stimulus, indépendamment du fait qu’il s’agisse d’un mot ou d’un pseudomot. Enfin, la décomposition du processus sous-tendant la reconnaissance visuelle des mots, en différents sous-composants (identification perceptive totale, inférence lexicale et omission), nous a permis de prédire les performances dans deux tâches expérimentales différentes (identification perceptive et décision lexicale), donnant lieu à des profils de réponses qualitativement différents (e.g., Grainger & Jacobs, 1996). L’extension du modèle, tel que présenté à l’issue de ce travail, et initialement proposé par Kajii (2000), représente un outil « simple » mais pertinent pour l’étude de la reconnaissance visuelle de mots. Avant de discuter plus longuement de la validité du présent modèle, nous allons brièvement soulever quelques points, nécessitant d’être améliorés au cours de futures recherches.