La population

Le peuple proto-birman que sont les Pyu est principalement connu par le biais des sources chinoises qui le nomment Piao, alors que les Môn employaient le terme Tircul. La première référence chinoise aux Piao apparaît dans un texte datant du milieu du IVème siècle de notre ère nommé « Hua-yang-kuo-chih ». Son auteur, Ch’ang Ch’ü, établit dans son livre la liste des tribus, vivant, semble-t-il, dans une région proche de la frontière sino-birmane actuelle. Un autre texte de la même période (puisqu’il est attribué à la dynastie Tsin – 265-420 ap. JC), décrit brièvement le peuple « civilisé » que forme les Pyu 6 . Deux célèbres pèlerins chinois, Hsüan-tsang et I‑tsing, qui rédigèrent respectivement leurs écrits en 648 et en 675, notent dans leurs récits que le royaume des Pyu était bouddhiste. Les chroniques suivantes relatent une partie des évènements ayant eut lieu au début du IXème siècle, et principalement la venue d’une ambassade pyu à la cour de Chine en 800 et en 802. Dans leurs remarques, les chroniqueurs chinois célèbrent les qualités de musiciens et de danseurs des Pyu. Au cours du IXème siècle, le royaume du Nanchao, qui occupait le Yunnan actuel, dominait très probablement le nord de la Birmanie, dans la région de Bhamo. Les Pyu, si l’on en croit la Nouvelle Histoire des T’ang, auraient été soumis ou alliés de force au Nanchao dont l’appareil militaire était important, dans le but de contrôler l’usage des routes menant de la Chine vers l’Inde en passant par la haute Birmanie. Le Livre des Man-shu, de Fan Ch’o, rédigé en 863, raconte que les soldats du Nan-Chao, après avoir détruit la capitale pyu, sans doute Sri Ksetra, déportèrent 3000 personnes 7 . Ainsi, GH Luce a émis l’hypothèse que des soldats pyu auraient pu faire partie de l’armée qui assiégea Hanoi en 863 8 . Il est toutefois intéressant de noter que les Môn s’attribuent le sac de la capitale pyu et le déclin de cette population conséquent à la chute de Sri Ksetra en 832. Les textes chinois ont également laissé quelques informations sur la vie quotidienne des Pyu, principalement dans la Nouvelle Histoire des T’ang et le Livre des Man-shu. Ces deux textes indiquent que la capitale pyu possédait douze portes, avec des pagodes aux quatre angles et que les tuiles qu’ils fabriquaient étaient en plomb et en étain. Ils étaient doués en astronomie et suivaient la loi du Bouddha; ils utilisaient un monnayage d’or et d’argent 9 et faisaient du commerce avec les tribus voisines en leur vendant, entre autres, des ustensiles de céramique vernissée et des jarres de terre. Ces textes décrivent également leurs vêtements, leurs coiffures, leurs danses et leurs instruments de musique 10 .

La langue pyu n’est pour sa part que partiellement déchiffrée, et ce déchiffrement fut rendu possible grâce à une inscription en birman, en môn, en pyu et en pali, laissée par le roi Kyanzittha au début du XIIème siècle. Les Pyu qui utilisaient une écriture indienne nommée Kadamba 11 employaient également le pali et le sanskrit comme le montrent diverses inscriptions retrouvées à Halin et Sri Ksetra.

Ils ont créé l’ère dite “birmane” en 638 de notre ère : utilisée jusqu’à la colonisation britannique, elle figure, encore aujourd’hui, sur les en-têtes des journaux. Un roi de la dynastie Vikrama, fut probablement à l’origine de ce nouveau calendrier, dont l’apparition coïnciderait peut-être, pour certains historiens, à la fondation de la dernière capitale pyu Sri Ksetra 12 . Enfin, rappelons également que ce peuple est à l’origine de la fondation de Pagan qui devint, par la suite, la capitale du premier empire birman. Il est possible que les Pyu aient, à un moment donné, conquis des territoires jusqu’à l’Arakan, car une inscription a été retrouvée dans la partie méridionale de cette région, à moins de 50 km au sud de Sandoway, l’actuel Thandwe 13 .

Notes
6.

Luce 1985, p. 47.

7.

Luce 1937, p. 252.

8.

Luce 1937, p. 248.

9.

Le Livre des Man-shu ne parle que de pièces d’argent.

10.

Majumdar 1963, p. 230.

11.

Luce 1985, p. 74, note 16.

12.

Luce 1985, pp. 48-49.

13.

Luce 1985, pp. 50-51.