Les aménagements hydrauliques

L’ancienne cité est de Beikthano est installée au carrefour de quatre grands cours d’eau : il s’agit du Yin, du Sun ou Sadoun, du Yanpe et du Taungu. Le site est établi près du confluent entre le Yin et le Yanpe, à l’est de ce dernier, tandis qu’au nord de la ville le Sun rejoint le Yin, et au sud le Taungu se joint au Yanpe. Ce dernier reçoit l’eau de nombreuses rivières, pérennes ou non, venant essentiellement de l’est et du sud. À ce réseau hydraulique naturel s’ajoutaient de nombreux canaux qui venaient alimenter les réservoirs et irriguer les champs tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la ville. Certains d’entre eux prenaient leur source sur le Yanpe, parcouraient les secteurs à l’ouest et au sud de l’enceinte, puis se jetaient à nouveau dans le même fleuve. Enfin, d’autres canaux approvisionnaient quelques canaux secondaires jusqu’à atteindre un ou plusieurs réservoirs, pour finir leur trajet dans la rivière d’origine ou dans un autre cours d’eau.

L’emplacement de six réservoirs a pu être déterminé. Trois se trouvaient à l’extérieur des murs: un dans le secteur oriental, près de l’angle nord-est (A) ; un second situé tout près du centre de la muraille est (B) ; et le troisième au sud de la ville (E). Trois autres sont implantés intra muros : un immense réservoir se substituant au rempart occidental (D) ; un autre moins important situé au sud-est du palais (C), et enfin, le plus petit creusé au sud-est du précédent (C1). Le réservoir À était alimenté par les divers canaux reliés au Sun. Ses dimensions pouvaient peut-être atteindre jusqu’à 600 x 240 m 37 , offrant ainsi une capacité de 432 000 m3, valeur calculée sur une profondeur moyenne estimée à 3 m. Le réservoir B était de taille plus réduite, ses dimensions approchant, à l’origine, 240 x 120 m avec une profondeur estimée à 2 m, soit une capacité de 86 400 m3. On ne sait pourquoi J. Stargardt, qui est l’auteur de ces calculs, estime la profondeur du réservoir B à 2 m et non à 3 m comme pour les autres ; de plus les dimensions qu’elle propose semble dans l’ensemble avoir été relativement majorée. Le réservoir E était de grande taille, mesurant 900 x 300 m au maximum, et d’une capacité de 810 000 m3 pour une profondeur évaluée à 3 m. Le réservoir D, qui s’apparente à un lac artificiel, mesurait à l’époque Pyu, environ 2 km de long sur 720 m de large 38 (ph. 27 ; pl. IX). Toujours en eau, sa profondeur actuelle est de 2 m, mais une accumulation considérable de sédiments a diminué sa capacité. J. Stargardt a supposé que la profondeur initiale s’élevait à 5 m, mais calculée sur une profondeur moyenne de 3 m, la capacité minimum de cet aménagement atteignait au moins 4 500 000 m 39 . Le réservoir C, mesurant 1 000 x 120 m, pour une profondeur estimée à 2 m, pouvait contenir 360 000 m3, et enfin le petit réservoir C1, mesurant 120 x 100 m pouvait contenir, pour une profondeur de 2 m, 24 000 m3. La capacité totale des six réservoirs pouvait donc atteindre 6 212 400 m3, ce qui devait permettre des rendements agricoles importants, avec des champs répartis intra et extra muros. Certains parcellaires fossiles ont été repérés sur les images aériennes. L’importante quantité de ressources fournie par les productions agricoles grâce à ces aménagements hydrauliques, peut suggérer que, sur le plan économique, la capitale pouvait non seulement vivre sur ses propres ressources mais également exporter et vendre des surplus. La faible quantité d’objets étrangers, ou importés, sur le site, suggère que cette première cité Pyu aurait eu une fonction agraire plutôt que commerciale, à la différence de la capitale suivante Halin. Par comparaison aux trouvailles d’objets importés sur d’autres sites d’Asie du sud-est de la même époque, l’activité commerciale de Beikthano semble effectivement avoir été limitée 40 .

Figure 10. Beikthano – le réseau hydraulique
Figure 10. Beikthano – le réseau hydraulique

(d’après Stargardt 1990)

Notes
37.

Stargardt 1990, p. 67 & 70.

38.

Aujourd’hui, ce grand lac est séparé en deux.

39.

Stargardt 1990, p. 68 & 70.

40.

Stargardt 1990, p. 74.