Les vestiges brahmaniques du royaume de Ramannadesa

Force est de constater le paradoxe entre tradition et archéologie dans ces régions où les vestiges sont majoritairement d’obédience brahmanique. On remarque également dans ce penchant pour l’hindouisme une préférence envers Visnu plutôt que Siva. Il n’est question ici que de retracer les grandes lignes des découvertes dans le sud, les objets ne sont bien entendu que présentés de manière partielle et la liste qui va suivre est loin d’être exhaustive. Deux plaques sculptées ont été retrouvées à Thaton. Chacune représente, dans le registre inférieur, un Visnu à quatre bras couché sur le serpent avec les jambes croisées. Au-dessus de lui se trouvent trois fleurs de lotus sur lesquels sont assis Brahma à gauche, Visnu au centre et Siva à droite. Sur l’une de ces plaques, la tige d’où fleurissent les lotus émerge du nombril du dieu couché, comme celle qui a été retrouvée à Sri Ksetra. Sur l’autre image, trois stèles figurent dans le registre supérieur au-dessus des trois divinités assises, celle de Visnu au centre étant de taille plus importante. D’un point de vue stylistique, ces images ont été datées du IX° siècle de notre ère 107 . Une représentation de Siva a également été retrouvée à Thaton, et serait la plus ancienne image de ce dieu découverte en Birmanie 108 . À l’exception de l’Arakan, le culte de Siva semble avoir très limité, car totalement absent de toutes les légendes ou histoires traditionnelles et de l’épigraphie, et n’apparaît que rarement en image ainsi que sur quelques monnaies en Birmanie proprement dite, où une face lui est réservée, l’autre représentant les attributs de Visnu 109 . D’autres vestiges brahmaniques existent à Thaton, au bord d’une des terrasses de la pagode Shwezayan qui, dans son état actuel, est un monument bouddhique datant du XIVème ou XVème siècle. Quatorze panneaux datés sur le plan stylistique du IX-Xème siècle ont été retrouvés. Ces panneaux auraient constitué un même ensemble avec les deux représentations de Visnu et celle de Siva appartenant à un temple hindou puis déplacé sur le monument qu’est aujourd’hui le Shwezayan. Parmi les pièces identifiées avec certitude, on peut citer par exemple une représentation de Hanuman et deux de Siva. Ces pièces ont été rapprochées avec celles de l’Orissa compte tenu des nombreuses affinités présentes dans la sculpture contemporaine des deux régions, rapprochement auquel adhèrent les historiens en général. Les représentations de Brahma sont également très rares, ainsi qu’il est assez exceptionnel de le voir représenté seul. On le trouve sculpté en bas relief sur un pilier intérieur du temple Nanpaya, à Pagan 110 , bâtiment considéré comme la résidence du roi de Thaton Manuha, ramené captif par Anawratha. Quelques petites images de Ganesa ont été retrouvées presque exclusivement dans le delta de l’Irrawaddy, c’est-à-dire dans la région que côtoyaient les marchands indiens. Quelques autres proviennent de Pagan, notamment sous forme de petites tablettes votives 111 . Ces objets très ordinaires dans le contexte bouddhique sont également fréquents en contexte brahmanique, particulièrement dans la tradition bengalie.

Notes
107.

Ray 1932, p. 33. Pour une représentation de ces deux plaques, voir Ray 1932, pl. V, fig. 5 & 6.

108.

Ray 1932, p. 53.

109.

Seule la région de l’Arakan a développé le culte sivaïte sous la dynastie des Candra. On y trouve des monnaies similaires à celles qui viennent d’être décrites mais également des monnaies figurant les attributs de Siva sur une face et sur l’autre, on y rencontre parfois le nom du roi écrit en caractère nagari. Ces pièces s’étalent sur une fourchette chronologique allant du IV° au X° siècle (voir Ray 1932, pp. 51-53).

110.

Ray 1932, p. 65.

111.

Ray 1932, pp. 66-68.