Thaton : La première capitale

La fondation et ses légendes

La date de fondation de la capitale du royaume de Ramannadesa, Thaton est communément fixée par les historiens au Vème siècle de notre ère. De nombreuses légendes abondent quant à sa création, la situant parfois dans le temps à des époques très reculées, comme au XVIIème siècle avant l’ère chrétienne. Une tradition môn ramène son établissement à la fin du VIème siècle avant JC et l’attribue à Siharaja, personnage fantastique né d’un dragon et contemporain du Bouddha Gautama 112 . La légende la plus courante, mentionnée par les Môn, les Birmans et les chroniques cinghalaises, le Mahavamsa et le Dipavamsa, concerne Sona et Uttara qui auraient été deux missionnaires indiens envoyés en Basse Birmanie, sous l’impulsion d’Asoka, par le troisième concile bouddhique réuni en 241 113 avant notre ère dans la ville de Pataliputra, l’actuelle Patna. Nous n’avons aucun renseignement crédible sur la fondation de Thaton et sur l’histoire de ce site pour les périodes antérieures au XIème siècle, c’est-à-dire avant la conquête d’Anawratha.

Une des traditions des plus répandues attribue la première fondation de la capitale à une colonie indienne venue de Thubinga, dans le pays de Karanatta (ou Karanaka) 114 plusieurs siècles avant notre ère. Elle met en scène Titha Kumma et Dzaya Kumma, fils du roi Thita qui régnait sur cette région. Les deux princes quittèrent leur pays natal pour s’installer sur le site de la future capitale et y menèrent une vie de retraite.

Ils trouvèrent un jour sur le bord de mer deux œufs abandonnés et issues d’une femelle dragon qu’ils emportèrent avec eux. De chaque œuf sorti un garçon, mais l’un d’entre eux mourut à l’âge de dix ans. Le second vécut dans la forêt sous la protection des ascètes jusqu’à dix-sept ans, puis fonda la ville de Thaton avec l’aide du dieu Sakra (parfois nommé Thakya) qui correspond au dieu Indra, et pris comme titre royal le nom de Thiha Radza 115 . D’après les sources môn, une dynastie de 59 rois régna sur Thaton jusqu’à sa chute au milieu du XIème siècle, et le premier roi mourut l’année où le Bouddha atteignit le Nirvana 116 . Cette même légende raconte que le Bouddha aurait prêché sa doctrine dans cette cité 37 ans avant son illumination, accompagné de quelques fidèles dont le disciple Mithila, considéré comme la réincarnation du jeune enfant recueilli par les deux ermites et décédé à l’âge de dix ans 117 . La Chronique du Palais de Cristal situe le premier monarque de Thaton, du nom de Siharaja, à l’époque du Bouddha historique. 48 rois de la même lignée se seraient alors succédés jusqu’à Manuha, défait par Anawratha 118 . Le Maha Yazawin 119 mentionne à la même époque le roi de la capitale sous le nom Asokadhammaraja, tandis que la chronique de Thaton se réfère également à Siharaja, précisant que celui-ci était le frère d’Ashin Gavampati, disciple du Bouddha. C’est sur l’invitation de ce disciple qu’il se serait rendu dans le royaume de Suvannabhumi, et, après son extinction, Ashin Gavampati aurait remis à Siharaja 32 dents reliques du grand maître 120 .

La dynastie de Thaton d’après les sources môn
1-Thiha Radza 16-Maha Baddara 31-Bhumma Radza 46-Radza Thura
2-Thiri DhammaThauka 17-Adara 32-Manda Radza 47-Tsitta Radza
3-Titha 18-Angula 33-Mahingtha Radza 48-Diga Radza
4-Dhamma Pala 19-Urunnata 34-Dhamma Tsekkaran 49-Uttama Radza
5-Dhamma Dhadza 20-Maha Thuganda 35-Thutsan Badi 50-Thiri Radza
6-Enggura 21- Thuganda Radza 36-Baddara Radza 51-Dhamma Radza
7-Ubadewa Meng 22-Brahmadat 37-Narathu Radza 52-Maha Tsitta
8-Thiwarit 23-Manya Radza 38-Tsambudipa 53-Ganda Radza
9-Dzautakumma 24-Adika 39-Ketharit Radza 54-Dzeya Radza
10-Dhamma Thauka 25-Maradi Radza 40-Widzaya Kumma 55-Thumana Radza
11-Uttara 26-Thaduka 41-Mani Radza 56-Maddaka Radza
12-Kathawun 27-Dhamma Biya 42-Tekka Meng 57-Aminna Radza
13-Mahathala 28-Thudatha 43-Kutha Radza 58-Udinna Radza
14-Araka 29-Dippa Radza 44-Dippa Radza 59-Manuha Meng
15-Narathura 30-Athekka Radza 45-Nra Radza ___________
Notes
112.

Scott O’Connor 1907, p. 328.

113.

Gazetteer of Burma 1987, vol. 2, p. 714.

114.

Phayre 1873, p. 25.

115.

Phayre 1873, p. 26

116.

Dupont 1959, p. 5 ; Phayre 1883, p. 288 (2ème éd. 1967)

117.

U Tin Gyi 1931, p. 13

118.

Luce & Pe Maung Tin 1923 p. 79 (2ème édition 1976)

119.

Ce texte est souvent désigné par son titre anglais "The Great Chronicle"

120.

Luce & Pe Maung Tin 1923 p. 79 (2ème édition 1976)

121.

Phayre 1883, p. 288 (2ème éd. 1967).