IV. Le réseau territorial et l’importance des régions : Les 32 provinces de Pegu 

Introduction

La région de Hanthawaddy a été subdivisée en plusieurs provinces dès la fondation de Pegu jusqu’en 1523, date à laquelle la 32ème province aurait été établie 171 . Furnivall qui donne la liste complète de ces provinces situait, pour sa part, la fondation de Pegu en 592, et non au milieu du IXème siècle comme l’admettent généralement les historiens aujourd’hui. Ces dates, en apparence précises, doivent donc être utilisées avec une certaine prudence, bien que les évènements plus récents, comme ceux du XVIème siècle, soient mieux datés que les périodes qui nous concernent directement dans cette étude. D’après les chroniques locales, notamment le Shwemawdaw Thamaing, les premières provinces délimitées se seraient concentrées le long des rives du Sittang, dans l’ancien district de Toungoo, les suivantes se seraient principalement développées au sud de Pegu, le long de la rivière qui porte le même nom 172 .

Cette organisation du royaume Môn en 32 provinces souligne l’importance accordée aux régions dans le système économique et politique de ce royaume, et atteste à nouveau de la répartition en réseau des implantations urbaines. On est bien loin du schéma où de petits villages vivent sous l’ombre écrasante d’une seule capitale. Au contraire, chaque région est ici mise en valeur par la présence d’une capitale régionale. Cette répartition assure d’une part la continuité territoriale entre toutes les parties du royaume sans qu’aucune rupture ne les isole, d’autre part, elle tend à mettre ces régions sur un niveau d’égalité formant ainsi un ensemble homogène tant sur le plan administratif que politique ou économique. Ce système aurait des origines anciennes que la tradition môn nous a transmis. Celle-ci rapporte en effet que Thaton, à l’époque où elle était une capitale, exerçait son pouvoir sur un ensemble de 32 villes. Chacun de ces 32 établissements était dirigé par un prince, lui-même subordonné au roi 173 . La légende raconte également que le Bouddha lui même aurait fait don d’une de ses dents et que celle-ci aurait été divisée en 33 fragments, chacun enchâssé dans un stupa. Les deux missionnaires d’Asoka, Sona et Uttara, auraient trouvé ces monuments dans un état de ruine et les auraient réparés en enchâssant une nouvelle fois les reliques 174 . Cet autre récit renvoie une fois de plus à un découpage territorial en 33 parties : une capitale à laquelle sont rattachées 32 provinces.

Voici un tableau des ces 32 provinces, auxquelles s’ajoutent la capitale Pegu, telles qu’elles sont indiquées dans l’ouvrage de Furnivall (1914), d’après la Chronique de Syriam.

Province Date (ère chrétienne) Roi fondateur
Hanthawaddy (Pegu) + 592 Thamala
Kyaukhmaw 595 Thamala
Ban 596 Thamala
Dônzayit* 597 Thamala
Kyigu 598 Thamala
Sittang+ 607 Wimala
Dinmè 608 Wimala
Zwegabôn 609 Wimala
Attha 610 Wimala
Hmawbyo 614 Mahaindatha
Lagunbyin+ 627 Mahaindatha
Kayein* 628 Maheintha
Ma-u 630 Maheintha
Hmawbi* 748 Ponnarika
Hlaing* 751 Ponnarika
Ramanagi 754 Ponnarika
Ramawaddy 757 Ponnarika
Paunglin ___________ Tissa Radza
Tandawgyi* ___________ Binya U
Tidut ___________ Mahura
Zeta ___________ ___________
Zaingtu* ___________ ___________
Pa-aing (Ingabu) ___________ ___________
Tonkan ___________ ___________
Yenwe (Bawni)* ___________ ___________
Meranyinsaya+ ___________ ___________
Tinbaung ___________ ___________
Minyehla+ ___________ ___________
Kawliah+ ___________ Radzadarit
Paingda ___________ ___________
Winbyaing 1452 Shin Saw Bu
Yunzalin 1478 Dhammaceti
Zaingganaing* 1523 Takarut Bi
* site identifié mais non prospecté
+ site prospecté

Seule une douzaine de villes sur 32 a été identifiée. Les Anglais ont laissé une carte très générale et peu précise de ces provinces 175 , mais la superposition de cette carte à la réalité du terrain ne donne que peu de résultats concrets. C’est essentiellement pour cette raison que peu de sites ont pu faire l’objet de prospections pour notre étude. Parmi ces sites identifiés, plusieurs sont localisés dans des zones forestières dont l’accès est soumis à autorisations spéciales, difficiles à obtenir. Par ailleurs, il a été possible de dater certaines de ces villes d’une manière qui semble plus exacte, ou plus réaliste que dans le tableau précédent. Certaines ne portent pas exactement le même nom que dans la série précédemment citée, car ceux-ci varient parfois d’une source à l’autre.

Notes
171.

Furnivall 1914, p. IV, appendice II.

172.

Page 1917, p. 17. Cette seconde phase d’élaboration des provinces concerne les villes de Maw, Dinmè, Zwebôn, Akarein, Mawlôn et Lagunbyin. La rivière est aujourd’hui appelée Bago.

173.

Shorto 1963, p. 573.

174.

Shorto 1963, p. 574.

175.

Furnivall 1915, carte publiée entre les pages 10 et 11.