Khabin

Cette ville semble avoir bénéficié d’un rôle important dans le delta, mais peu d’informations antérieures au XIème siècle ne nous sont parvenues à son sujet. Elle assumait sans doute une fonction de port, son accès à la mer étant facilité par le canal de Twante, qui se trouve à proximité, jusqu’à l’estuaire du Yangon (cartes 3 et 33). Située à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Rangoun et à une dizaine à l’est de Twante, elle portait le nom de Kraban Damyon en moyen môn, celui de Krapan en vieux birman et le nom pali Kabbanga nagara 221 . La forme môn est mentionnée dans les inscriptions de Kalyani 222 .

D’après un plan ancien 223 , il restait de la vieille ville une partie de son rempart qui était double, semble-t-il, le long des faces ouest et sud. Le tracé de la fortification interne est complet et se développe suivant un schéma trapézoïdal. Le mur externe n’est présent que sur les faces ouest et sud, et dessine l’angle nord-ouest. Seules deux brèches visibles, d’après ce plan, s’ouvraient dans la muraille sud. Les prospections ont en grande partie confirmé les informations de ce vieux plan, mais les faces ouest et sud présentent un rempart simple (ph. 199-200, pl. LXV-LXVI ; ph. 203, pl. LXVII). Les côtés nord et est du rempart sont les plus longs et s’étendent sur une distance de 500 m environ, tandis que les côtés ouest et sud sont de dimensions plus modestes avec une longueur d’à peu près 400 m chacun.

Figure 52. Khabin – plan ancien du site archéologique
Figure 52. Khabin – plan ancien du site archéologique

(d’après Luce 1969)

Près de l’angle nord-ouest, à l’intérieur du périmètre de la cité, se trouvait une structure rectangulaire, adossé au mur nord, qui était peut-être un fortin ou une tour de guet, mais qui n’est plus visible aujourd’hui sur le terrain. Par contre, une structure approximativement carrée, édifiée en brique est nettement visible dans le quart nord-ouest de la ville (ph. 205, pl. LXVII), mais elle n’apparaît pas sur le plan ancien de G.H. Luce.

Le rempart est construit de brique mesurant 31 x 15 x 6,5 cm. Une large douve, particulièrement visible du côté occidental, borde l’ensemble de la ville (ph. 201, pl. LXVI). La notoriété de ce site est due au passage dans cette ville d’Anawratha qui, en chemin vers Thaton, édifia la pagode Maung-Di à 400 m environ au-delà de l’enceinte, en direction du sud-ouest. Les deux terrasses octogonales qui constituent la base de l’édifice étaient revêtues de plaques de terres cuites ; il n’en reste que des fragments aujourd’hui. Chacune de ces terres cuites porte une inscription du roi en pali et est rédigée en écriture môn. Ces tablettes sont les plus importantes d’Anawratha par leur dimension, et probablement les premières de son règne 224 . Les habitants de la région contestent la “paternité” de cet édifice au roi de Pagan et l’attribuent à un jeune homme du nom de Maung-Di qui aurait épousé une princesse de Thaton. Il est possible qu’Anawratha n’ait en fait que restauré cet édifice dont le plan octogonal est traditionnellement considéré comme une caractéristique môn.

Figure 53. Khabin – relevé des structures au sol (GPS)
Figure 53. Khabin – relevé des structures au sol (GPS)

D’après l’histoire de la pagode Shwesandaw à Twante, Khabin était le lieu de résidence de Thameintaw Byinnyan, roi de la région d’Okkalaba 225 , et de son épouse Miendadewi, tous deux fondateurs de cette célèbre pagode 226 . Ils auraient vécu trois siècles avant le jeune Maung-Di 227 . Le dernier roi de Pagan, Narathihapati aurait résidé quelques temps à Khabin avant de se rendre à Dala lorsqu’il prit la fuite devant l’avancée des Mongols à la fin du XIIIème siècle. Notons également une référence épigraphique datant de 1198 relative à la production de riz de Khabin qui semble avoir été importante 228 .

Notes
221.

Luce 1969, vol. 1, p. 20, note 56.

222.

Duroiselle, Blagden et al. 1919-28, vol. 3, part. 2, p. 188.

223.

Luce 1969, vol. 1, plan non paginé, entre pp. 20 et 21.

224.

Luce 1969, vol. 1, p. 20

225.

la région que l’on trouve dans les textes sous le nom d’Okkalaba, ou parfois d’Ussa, correspondrait au lieu d’établissements des anciennes colonies indiennes venues de l’Orissa qui aurait précédé les Môn dans ce secteur. Cette région s’étend entre les fleuves Hlaing et Sittang (voir, entre autres, Luce 1969, vol .1, p. 20).

226.

Gazetteer of Burma, vol. 2, p. 252.

227.

Furnivall 1914, p. 184.

228.

Luce 1969, vol. 1, p. 20, note 63.