Kyangin

Il y en une contradiction totale entre ce que disent les sources qui mentionnent ce site et les vestiges que l’on peut voir sur le terrain. D’après les données anglaises, le quartier môn de Kyangin autour duquel la ville actuelle s’est développée daterait de 1250 et les Chin auraient peut-être précédés les Môn (qui les auraient par la suite expulsés) de cette région (cartes 3 et 28).

Les vestiges qui demeurent visibles à la périphérie de l’agglomération actuelle semblent pourtant appartenir, de façon relativement certaine, à une période bien antérieure à celle de Pagan. Un rempart construit aux bord de l’Irrawaddy est encore en place (ph. 221 à 225, pl. LXXIII-LXXIV ; ph. 231-232, pl. LXXVI). Installé dans un méandre du fleuve, celui-ci clôt actuellement la face septentrionale de la ville fortifiée. La question d’un état identique à l’origine, c’est-à-dire avec une enceinte à trois côtés, ou d’une chute de la muraille nord dans le fleuve se pose. Le plan, dans son état actuel forme un rectangle, presque un carré, d’environ 450 m pour les faces est et ouest, et 490 m pour la face sud, l’ensemble enfermant une surface fortifiée qui dépasse légèrement 22 hectares.

Les briques qui constituent ce rempart sont d’une part marquée au doigt, et d’autre part présentent des dimensions assez importantes avoisinant 35 x 17,5 x 5,5 cm (ph. 227 à 230, pl. LXXV-LXXVI). Ces deux éléments nous ont permis de supposer qu’il s’agissait de vestiges antérieures au XIème siècle, par comparaison avec les sites pyu et môn précédant la conquête birmane. Les marques de doigt sont rectilignes et tracées sur un seul coté, ce qui correspond à un type très répandu que l’on trouve à Thagara (Tavoy), Kyontu (Waw), Thegon, Taungdwingyi, Tagaung, Sri Ksetra et sur bien d’autres sites encore 241 .

L’identification de cette ville comme un site môn est une hypothèse qui s’appuie sur plusieurs éléments provisoires. Tout d’abord, la frontière séparant l’ancien territoire des Pyu de celui des Môn reste floue, et il est fort possible qu’elle n’ait pas été parfaitement fixe comme le sont nos frontières actuelles. Quelle que soit la population qui a fondé et occupé Kyangin, la ville se trouvait probablement dans un espace transfrontalier ou près de l’ancienne limite entre les territoires môn et pyu, comme le montre sa proximité avec Sri Ksetra et Thegon. Sa proximité avec Myanaung, qui se trouve à quelques kilomètres seulement, et sa localisation similaire sur la rive occidentale de l’Irrawaddy, place la ville dans un secteur sans frontière naturelle autre que le fleuve du côté du territoire môn. On peut supposer en effet que l’Irrawaddy a sans doute joué, dans cette zone, un rôle de frontière entre les Môn et les Pyu. De plus, la surface enserrée dans le rempart et la configuration des lieux correspondent nettement aux établissements môn de l’époque plutôt qu’à la physionomie des vastes cités pyu.

Figure 57. Kyangin – relevé des structures au sol (GPS)
Figure 57. Kyangin – relevé des structures au sol (GPS)
Notes
241.

Pour plus de détails sur les exemples de briques portant les mêmes marques rectilignes sur la largeur, voir Hudson 2001, p. 67, pour les sites de Tagaung, Taungdwingyi, Sri Ksetra et Halin ; Aung Myint & Moore 1991, p. 88 pour Pagan, p. 99 pour Thagara et Waw ; vol. II de la présente étude (ph. 79-80 ; Pl. XXVI-XXVII) pour Thegon.