VIII. Les fondations urbaines de Narapatisithu

Introduction

Monté sur le trône vers 1173, Narapatisithu hérita d’un royaume où régnait le plus grand désordre, marqué notamment par le meurtre de son frère aîné et prédécesseur Naratheinka. Durant son long règne de 37 ans, la politique de Narapatisithu n’avait pas d’autre priorité que de reprendre le pouvoir et le pays en main. La stabilité et la longévité qui caractérisent ce règne furent accompagnées de multiples travaux d’aménagement et de nombreuses constructions d’ordre religieux. Outre le développement et l’amélioration des systèmes d’irrigation, essentiellement dans les environs de Kyaukse, c’est la région de Shwebo qui semble avoir le plus retenu son attention et bénéficié de sa politique de développement. On sait que des aménagements hydrauliques ont également été réalisés dans ce secteur où préexistaient, depuis l’époque d’Anawratha, des villes dotées du statut de taik. La définition de ce statut est assez imprécise mais il semblerait que ce terme ait été appliqué à des établissements fondés dans les régions de Shwebo et de Pakkoku 305 . Le mot taik désigne une région pourvue de système d’irrigation avec au centre une ville de garnison et d’administration 306 . On ne sait réellement ce qui le différencie d’un khayaing : est-ce un rendement moindre ou une importance de second plan ? Est-ce lié à leur période de fondation peut-être un peu plus tardive ? On connaît au total le nom de neuf villes ayant possédé ce statut 307 , mais il faut sans doute envisager cette liste comme non exhaustive : Myedu, Seitphyu, Salin Khyaung, Salingyi, Tabayin, Moksokyon, Moksobo (l’actuel Shwebo), Mwantaung (Pha Aing) et Wetlet. Il est possible que ce terme ait été appliqué à des régions productrices de denrées agricoles de rendement moindre que les khayaing. On connaît en particulier dans la vallée du Mu, près de Shwebo, des aménagements hydrauliques tels que des réservoirs et des canaux, préexistants à l’occupation birmane et qui sont l’œuvre des Pyus, comme en témoigne aussi l’ancienne capitale Halin. D’autres sources, essentiellement les Gazetteers, indiquent, au cas par cas, un certain nombre de fondations militaires, réalisées à l’initiative de Narapatisithu dans la région de Shwebo. Traditionnellement, et c’est encore le cas aujourd’hui, tout le secteur Shwebo-Monywa, était peuplée par une forte communauté Shan. C’est pour cette raison, semble-t-il (c’est en tout cas les motivations qui sont mises en avant), que Narapatisithu aurait renforcé la frontière nord de Tambradipa, le noyau territorial “irréductible” de la période de Pagan. Il apparaît également, comme dans le cas de certains khayaing de Mlasca, que certaines villes assumaient à la fois le rôle de taik et celui de poste militaire, par exemple Tabayin. Aucune liste de ces forteresses de la fin du XIIème siècle, et qui dateraient toutes précisément de l’année 555 BE soit 1193 AD, n’étant procurée par les diverses sources disponibles, il a donc fallu rassembler des données éparpillées. On compte au total cinq fondations mentionnées par les Gazetteers 308  : Tabayin, Kinthamyo, Ye-U, Sitha, et Myedu. Certaines de ces villes se retrouvent dans la liste des taik publiée dans le 10ème volume des Royal Orders of Burma. La tradition locale, dont les dires ont été recueillis au cours de diverses enquêtes, ajoutent le plus souvent Yetha, Sipottara, Ngayane, et Kawthanti.

Notes
305.

Luce 1969, vol. 1, p. 34.

306.

Frash 1994, résumé du chapitre I.

307.

Than Tun 1983-1990, vol. 10, pp. 1-2.

308.

Williamson 1929, vol. À ; Scott 1901, part II, vol. 1, 2 et 3.