L’intérieur des terres

Les villages se déployaient de manière circulaire autour du point central que constituait la capitale. En suivant un axe nord-sud, ces villages sont respectivement : Tetthe, Minnanthu, Hpyaukseikpin, Konsinkye, Pwasaw Est et Ouest, Kontangyi, et enfin Thuhtekan. Plusieurs d’entre eux existaient déjà à la période pyu, et certains avaient eu la fonction de capitale. D’un point de vue global, la plupart de ces villages appartenant au territoire de Pagan, mais les plus éloignés de l’Irrawaddy, étaient dévolus aux résidences monastiques, concordant ainsi à la disposition en arc de cercle des monastères à l’inverse du coude que forme le fleuve. Malgré la distance qui sépare les principaux monastères du centre fortifié, l’éloignement n’excède jamais un certain périmètre permettant aux moines d’assurer leurs obligations comme les visites ponctuelles au palais ou la mendicité quotidienne de leur nourriture pour être, au plus tard, revenus à midi. À Pagan, même des monastères les plus éloignés, il est possible de faire l’aller et le retour jusqu’à la vieille ville dans la matinée. Tous ces villages ont été pourvus de réservoirs nécessaires à l’approvisionnement en eau, mais leur capacité limitée témoigne d’une fonction réservée aux besoins domestiques, tant pour les humains que les animaux, mais interdit une quelconque utilisation pour l’agriculture irriguée. Apparemment, une grande zone agricole de culture sèche à Pagan, et peut-être la seule, pouvait se situer entre les limites de la vieille ville et Myinkaba à l’ouest et les villages de Pwasaw et Minnanthu 329 à l’est. Plusieurs rivières, en provenance de l’Irrawaddy, traversent l’intérieur des terres : les deux plus importantes sont le Yeosin chaung, qui se forme au sud de Thiripyitsaya puis se dirige vers l’est, et le Wetkyi-in chaung qui, comme son nom l’indique, part de Wetkyi-in puis se dirige vers le sud-est en passant au nord de Minnanthu, dans le village de Hpyaukseikpin, et enfin près de Kontagyi. D’autres cours d’eau s’intercalent entre ces deux rivières : le Myinkaba chaung qui prend sa source à Myinkaba, puis se sépare en deux branches, l’une se dirigeant vers le sud puis vers l’est en traversant Thuhtekan, l’autre s’approchant de Pwasaw Ouest ; un autre cours d’eau prend sa source à Nyaung-U pour se diriger vers Tetthe.

Le terroir de la ville se composait de riches, permettait la culture du millet, du sésame, et des arbres fruitiers tels que le tamarinier, le manguier ainsi que le palmier à sucre. Ce riche terroir offrait également de bonnes pâtures aux animaux. « Le livre des merveilles » de Marco Polo évoque d’ailleurs, dans sa description de la capitale qu’il nomme la cité de Mien, l’élevage en abondance d’éléphants, de bœufs sauvages, de cerfs, daims et chevreuils 330 .

Le village de Pwasaw est le seul dont l’histoire est évoquée dans nos sources. Il aurait été, à l’époque Pyu l’une des capitales de la région avant que Pyinbya ne la place sur le site de Pagan peu avant 850. Il portait alors le nom de Tampawaddy et fut choisie comme capitale par le roi Thaikdaing, 12ème de la dynastie 331 . Le terme de Pwasaw est quant à lui le nom de la dernière grande reine de la dynastie de Pagan 332 . De nombreuses grottes excavées dans le grès sont visibles dans les environs de Pwasaw ouest, ainsi que le monastère de Thamathi qui aurait été le siège de la secte tantrique des Aris dans le secteur de Pwasaw-Thuhtekan. Cette confrérie pratiquant un bouddhisme issu du grand véhicule, survécut à Pagan jusqu’au XIII° siècle et détenait une certaine influence sur la population de l’époque. Pour s’en débarrasser, Anawratha qui pratiquait une forme de bouddhisme plus austère tenant du petit véhicule, favorisa la montée de la secte de Shin Arahan dont l’obédience était similaire à la sienne.

Des recherches archéologiques récentes, principalement axées sur les problèmes de datations et du début de l’occupation de Pagan ont eu lieu ces quelques dernières années. Des fouilles effectuées sur le site d’Otein Taung, près du temple Sulamani à mi-chemin entre la vieille ville et Pawsaw ont permis de faire des prélèvements et de fournir de nouvelles données en terme de datation absolue 333 . Trois secteurs sur ce site composé de deux monticules distants de 500 m ont fait l’objet d’investigations archéologiques : le monticule ouest, le monticule est, et un sondage a également été ouvert à une centaine de mètres au sud-ouest du tertre oriental. Ce site semble avoir été un centre de production céramique. La butte occidentale a livré trois datations dont la plus ancienne à Otein Taung qui se situe entre 650 et 830 ; les deux autres montrent une occupation plus tardive avec des dates variant de 1010-1190 et 1020-1220. Du monticule est ont été prélevés deux échantillons calibrés entre 880-1030 pour le premier et 1290-1410 pour le second. Enfin le dernier sondage a fourni une seule datation mais qui figure parmi les plus anciennes, calée entre 760 et 980 de notre ère.

Cette étude et ces nouvelles analyses prouvent clairement que l’occupation de Pagan est bien antérieure à la présence birmane dans cette région, mais elles tendent également à montrer la continuité d’activité et d’occupation à Otein Taung depuis le VIIème-IXème siècle jusqu’à une période postérieure à la chute de l’empire. On constate là encore que l’hypothèse d’abandon presque total du site après la disparition de la première dynastie birmane est progressivement remise en cause et se fragilise peu à peu, comme l’ont également montré les datations effectuées à partir d’échantillons prélevés sur le rempart.

Notes
329.

Lubeigt 1998, p. 325-26

330.

Marco Polo 1998 (éd.), vol. 2, pp. 317-318.

331.

Scott 1901, part II, vol. II, p. 711-12

332.

Luce 1959, « Geography of Burma… », p. 39.

333.

Les fouilles à Otein Taung ont été menées par Bob Hudson, Université de Sydney, en 1999-2000.