Mise en parallèle

Les matériaux

Si des ressemblances essentielles se perçoivent chez les Môn de Birmanie et ceux de Thaïlande, notamment le développement diversifié des ressources et donc des implantations urbaines qui s’étendent sur l’ensemble du territoire sous forme de réseau, il n’en demeurent pas moins de nombreuses dissemblances. Les matériaux de constructions en sont un exemple puisque les pratiques architecturales des deux populations témoignent respectivement de caractéristiques constantes.

Les “fortifications” des villes tout d’abord qui emploient systématiquement la terre à Dvaravati est une technique de construction inconnue en Basse Birmanie où l’on rencontre toujours des remparts de brique ou plus rarement de latérite. En Thaïlande, l’espace urbain est toujours délimité par une levée de terre, bordée à l’extérieur d’un imposant fossé. La présence de larges douves autour des villes est un élément commun aux deux populations, quel que soit le matériau mis en œuvre pour l’édification du rempart. Il faut voir en cela sans doute une pratique à des fins agraires plutôt que défensives, voire la combinaison des deux rôles, l’eau contenu dans ces vastes fossés pouvant servir de réserve d’eau à la saison sèche mais également de pépinière avant le repiquage du riz.

Les édifices religieux de Dvaravati sont, à ce jour, les seules structures construites en matériaux durables connues 453 . Elles emploient le plus souvent la brique mais parfois la latérite. Un grand nombre de sites a été fouillé jusqu’à présent en Thaïlande, et tous témoignent de cette même caractéristique. Il est plus difficile d’établir des comparaisons sur cette question avec la Basse Birmanie, en raison de l’inégalité des recherches de terrain qui ont été entreprises dans les deux pays. Néanmoins, l’exemple de Kyaikkatha, mais aussi Thagara dans la région de Dawei 454 , montre que l’emploi de la brique pouvait être destiné à des constructions civiles. Si la fonction des bâtiments découverts sur ces deux sites, chacun de plan rectangulaire, n’a pas été établie, rien n’indique en revanche une destination religieuse ou monastique.

Les briques, lorsqu’elles sont utilisées, possèdent des propriétés constantes mais dissemblables entre les deux régions. Comme nous l’avons vu dans la première partie de notre étude, les constructions môn de Birmanie du Sud antérieures à la période de Pagan (en l’occurrence lorsqu’il s’agit de fortifications) emploient des carreaux de briques de grandes dimensions sur lesquelles des traces de doigt ont laissé leur empreinte avant la cuisson. Dans le cas des édifices de Dvaravati, les auteurs s’accordent à dégager plusieurs singularités qui rendent les briques de cette période et de cette région reconnaissables. Les grandes dimensions sont systématiquement évoquées 455 mais surtout, ces briques se distinguent par l’usage de la balle de riz dans leur fabrication 456 .

Notes
453.

Loofs 1979, p. 349.

454.

On inclut ici Thagara, la vieille ville de Tavoy, même si son origine môn n’est pas prouvée. Il n’en demeure pas moins que la région était en contact étroit avec les royaume Môn de Ramannadesa et de Dvaravati, étant peu distant de ce dernier et fondé sous les mêmes latitude. On ignore qui occupait précisément la région de Tavoy dans le passé mais les ressemblances frappantes dans le domaine de l’urbanisme laisse supposer que les occupants de Tavoy étaient sans doute proches des Môn sur le plan culturel, voire qu’ils en constituaient peut-être un “sous groupe”.

455.

Les dimensions exactes des briques utilisés dans les monuments de Dvaravati ne sont pas précisées dans la documentation que nous avons pu consulter pour notre étude. On suppose que les gabarit sont à peu près similaires, étant donné que la taille des briques est toujours plus importante aux périodes anciennes et qu’elle tend à s’amoindrir au cours des siècles.

456.

Loofs 1979, p. 349.