Jacques Lacan, psychanalyste à la S.P.P., 1932- 1953.

«  Oh Semblable !… Et pourtant plus parfait que moi-même »…
«  J’y trouve un tel trésor d’impuissance et d’orgueil,
Que nulle vierge enfant échappée au satyre,
Nulle ! aux fuites habile, aux chutes sans émoi,
Nulle des nymphes, nulle amie, ne m’attire
Comme tu fais sur l’onde, inépuisable Moi !… »
Paul Valéry. Charmes. Fragments du Narcisse. I.

Rappelons que l’objet de nos investigations, sur quoi se focalise notre attention dans l'examen de ces différents écrits, c’est la critique lacanienne de la psychologie, et du sujet ‘«’ ‘psychologique’”, comment ce thème apparaît, évolue, se structure. Ni dans cette partie qui s'intéresse à la première époque de la vie de Lacan psychanalyste, ni dans la suivante, après la rupture avec l'I. P. A., nous ne prétendons présenter l’ensemble de la pensée lacanienne dans tous ses aspects. Montrer comment cette critique du sujet psychologique assimilé au moi, s'associe à une critique de l’ego-psychology présentée comme la déviation américaine de la psychanalyse, sorte de retour à une psychologie générale obsolète, tel est l’axe unique de nos analyses.

On verra que très tôt dans son parcours de psychanalyste, Jacques Lacan a soutenu une position particulière sur le moi, dont on peut certes trouver des éléments chez Freud, mais dont la justification profonde tient à une vision de l’homme, qui ne doit rien à la pensée psychanalytique, même si des convergences étaient possibles, mais qui est toute héritée de sa culture chrétienne traditionaliste. ‘«’ ‘J’ai pris mes positions dans la psychanalyse en 1953’" dira-t-il. Jusqu’à cette année sa position sera encore balancée. Lacan jeune psychanalyste ne recherche pas la coupure. Il s'installerait plus volontiers dans le compromis, compromis entre psychiatrie et psychanalyse, entre psychologie et psychanalyse, entre phénoménologie et psychanalyse. C'est l'histoire de ces compromis que nous allons tracer à grandes lignes.

On pourrait dire que tout Lacan dérive de sa conception de la construction du moi comme identification-haine à son double. De ses premières réflexions présentes dans sa communication au congrès de Marienbad en 1936, indexé sous le titre ‘«’ ‘Looking-glass phase ’», dans l’I.J.P. de 1937, nous ne savons pas grand chose. Lui-même raconte comment il fut interrompu au bout de dix minutes par le président de séance, et renvoie qui voudrait en connaître le contenu à sa communication de 1949 au congrès de Zurich où il reprend ce thème. Nous l'examinerons le moment venu, mais nous devrons alors nous rappeler que les positions défendues alors étaient selon lui présentes dès l'origine de sa production psychanalystique.