Après la guerre. Face à H. Ey sur la causalité psychique.

Les articles suivants viendront plus tard. La guerre est passée, entraînant bien des bouleversements pour la Société psychanalytique de Paris. Edouard Pichon est mort en 1940. Loewenstein est allé rejoindre, dès avant l’arrivée des allemands, Hartmann et Spitz aux Etats-Unis. Marie Bonaparte essaie de faire revivre la S.P.P. et recueille des fonds pour l’Institut de formation 130 . Une nouvelle génération approche du pouvoir Les ambitions et les jalousies se réveillent. L’histoire de ces querelles a été faite, et bien faite, nous n’y reviendrons pas. Les conséquences de ces affrontements sur les écrits théoriques de J. Lacan ne sont pas perceptibles jusqu’à la rupture de 1953 et l’exclusion par l’I.P.A.. L’imaginaire continue à constituer le vecteur original de sa pensée théorique. Il en élargit l’assise en s’ouvrant à d’autres recherches autour de la logique. Il prépare ainsi sa réorientation lors du choix décisif de 1953.

En 1945 il publie deux articles portant sur la logique, premiers signes de son éloignement de la phénoménologie et de son désir d’intégrer la science pure qui le conduira à la logicisation du sujet et aux mathèmes.

‘«’ ‘ Le temps logique et l'assertion de certitude anticipée ’» 131 et ‘«’ ‘  Le nombre 13 et la forme logique de la suspicion ’» 132 sont parus dans les deux numéros successifs de 45 et 46 des ‘«’ ‘ Cahiers d'art ’». La mode est à la cybernétique et à la théorie des jeux, elle alimente chez certains l’espoir de logiciser les comportements humains. Le premier article est une réflexion à partir du jeu des cinq prisonniers. Lacan essaie d'y articuler le raisonnement logique et son déroulement subjectif : l'instant du regard, le temps pour comprendre et le moment de conclure. Mais on y découvre qu’une telle orientation échoue à expliquer l’action humaine puisque l’acte individuel est paralysé par l’action simultanée, ‘«’ ‘ mimétique ’» de l’autre. Le deuxième article, à partir d'un problème arithmétique proposé par Queneau ( trouver en trois pesées la mauvaise pièce) dérive obscurément sur le même, l'autre et la différence, ‘«’ ‘ racine de la forme de la suspicion ’». On y apprend que le Jugement dernier se fera en 26 pesées.

En 1946 J. Lacan fait une intervention remarquée aux journées psychanalytiques organisée par H. Ey à l'hôpital de Bonneval. Elle sera publiée avec l'ensemble des actes dans ‘«’ ‘ Le problème de la psychogenèse des névroses et les psychoses » ’chez Desclée de Brouwer. Ces ‘«’ ‘ Propos sur la causalité psychique ’» 133 sont, à notre goût une des meilleures interventions que nous ayons lues de Jacques Lacan. Très enlevée, fort habile rhétoriquement, d’un humour ravageur pour la victime -qui est son hôte-, ces propos constituent une bonne, et claire de bout en bout, synthèse de ses positions de l’époque. Tout au long cette intervention est une attaque en règle de l’organo-dynamisme de H. Ey, son ami et condisciple. ‘«’ ‘ Nous sommes entrés ensemble du même coté de la lice ’»(p.151). Les voilà face à face. Pour Lacan, fidèle à sa thèse, la folie est toute psychogénétique, sa cause est psychologique, c'est-à-dire du registre du sens, de la signification. En cela elle tient à l'être même de l'homme. Tandis que Henri Ey rapporte la genèse de la folie à des causes organiques (la dissolution jacksonienne), ramenant la psychiatrie à la neurologie et faisant disparaître ‘«’ ‘ l'originalité propre à l'objet de notre expérience ’» (p.153), la réalité de la vie psychique et son efficace. Pour Henri Ey, dit Lacan, ‘«’ ‘ l’intégration’ ‘ 134 ’ ‘, c’est l’être ’» et c'est le moi qui assure cette intégration et l'adaptation à la réalité. ‘«’ ‘ Quand, passant à la conférence d'Henri Ey, sur la notion des troubles nerveux, j'arrive à ’ ‘«’ ‘ ce niveau qui caractérise la création d'une causalité psychique » et que j'apprends que ’ ‘«’ ‘ s’y concentre la réalité du moi » et que par-là ’ ‘«’ ‘ est consommée la dualité structurale de la vie psychique, vie de relations entre le monde et le moi, qui anime tout le mouvement dialectique de l'esprit, toujours s'évertuant dans l'ordre de l'action comme dans l'ordre théorique à réduire sans jamais y parvenir cette antinomie, ou tout au moins à tenter de concilier et d'accorder les exigences des objets, d'autrui, du corps, de l'inconscient et du sujet conscient ’», alors dit Lacan je me réveille et je proteste : le libre jeu de mon activité psychique ne comporte aucunement que je m'évertue si péniblement »(p.158). Ce qu’il reproche à la construction d’H. Ey, c’est de n’être qu’un rêve de ‘«’ ‘ fabricant d'automates ’» au lieu d'être celui d'un médecin, ce H. Ey par exemple, ‘«’ ‘  qui mille et dix mille fois a pu entendre se dérouler à son oreille cette chaîne bâtarde de destin et d'inertie, de coups de dés et de stupeur, de faux succès et de rencontres méconnues qui fait le texte courant d'une vie humaine ’»(p.159). Et il poursuit un peu plus loin ‘«’ ‘ ainsi je ne rêve plus et quand je lis maintenant que ’ ‘«’ ‘ projetés dans une réalité plus spirituelle encore, se constitue le monde des valeurs idéales non plus intégrées mais infiniment intégrantes : la croyance, l'idéal, le programme vital, les valeurs du jugement logique et de la conscience morale », je vois fort bien qu'il y a en effet des croyances et un idéal qui s'articulent dans le même psychisme avec un programme vital tout aussi répugnant au regard du jugement logique que de la conscience morale pour produire un fasciste, voire plus simplement un imbécile ou un filou’». Le mot fasciste à cette période n’est pas innocent, il frappe encore de stupeur et paralyse la réflexion. On voudrait demander à J. Lacan en quoi l’existence de fascistes, permet de disqualifier la théorie intégratrice de H. Ey. S’il appuie sa critique théorique du modèle jacksonnien sur le fait qu’un fasciste peut être aussi un modèle d’intégration psychologique, c’est un argument un peu court, et peut-être pas si facile à démontrer –des hommes « ordinaires » peut-être, mais peut-être pas au regard des exigences morales, et c’est bien pourquoi les valeurs morales participent à l’intégration psychologique-. (En retour, pourrions-nous demander à J. Lacan ce qui dans sa propre théorie de la causalité psychique permet d'expliquer la différence de l'homme normal et du fasciste, et s’il est sûr que sa propre philosophie de la situation humaine est bien faite pour nous préserver de telles horreurs 135 ).

Après cette critique de l'organo-dynamisme de H. Ey, réduit, caricaturé, en une théorie purement organiciste, Jacques Lacan consacre la deuxième partie de son intervention sur la causalité psychique, à la psychogenèse de la folie. C'est dans cette partie que l'on trouve la formule célèbre : ‘«’ ‘ la folie est vécue toute dans le registre du sens ’»(p. 165), complétée quelques lignes plus loin par : ‘«’ ‘  le phénomène de la folie n'est pas séparable du problème de la signification pour l'être en général, c'est-à-dire du langage pour l’homme’». Suit un résumé de sa thèse sur la paranoïa : ‘«’ ‘ si je rassemble les résultats de l'analyse que j'en ai faite, je crois qu'il en ressort déjà une phénoménologie de la folie complète ’»(p.168). Le fou ‘«’ ‘ se croit ’» ; mais même le roi qui se prend pour un roi est fou. C'est pourquoi Louis II de Bavière était fou. Par contre Napoléon ne se croyait pas du tout Napoléon, sauf à Sainte-Hélène dictant ses mémoires à Las Cases. Prenons Alceste le Misanthrope, cette belle âme est un fou : ‘«’ ‘ dans sa belle âme, il ne reconnaît pas qu'il concourt au désordre contre lequel il s'insurge ’» (p.172). Pris dans le narcissisme des oisifs, se complaisant dans cette aigreur, Alceste ne tolère pas le narcissisme de Célimène, ses mensonges et sa coquetterie, parce que son narcissisme à lui est beaucoup plus exigeant 136 .

La folie n'est donc pas comme le dit Henri Ey, l'effet d'un ‘«’ ‘ manque de contrôle ’»(p.174), ‘«’ ‘  le fait contingent des fragilités de son organisme ’»(p.175),  ‘«’ ‘  elle est la virtualité permanente d'une faille ouverte dans son essence (de l'homme) ’». Jacques Lacan va même plus loin en affirmant que loin que la folie soit une insulte à la liberté de l'homme, elle est au contraire sa plus fidèle compagne : ‘«’ ‘  et l'être de l'homme non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l'être de l'homme s'il ne portait en lui la folie comme la limite de sa liberté ’»(p.175). Non sans ce goût de la provocation et du paradoxe qui font les formules brillantes, J. Lacan lie, à la façon de Sartre, la liberté à une faille constitutive de l’essence de l’homme et assimile cette faille à la folie.

Certes, la folie est la compagne de l’homme libre mais, faille ou fragilité, la question qui est esquivée par Lacan c’est de savoir si la folie nous rend plus libre, si le fou est celui qui a poussé au plus loin la limite de l’humanité, non du côté de l’animalité, mais du côté de la plus haute liberté. 137 Choisit-on d’être fou ? Lacan l’affirme, mais rejette ce ‘«’ ‘ choix ’» dans les profondeurs, dans une ‘«’ ‘ insondable décision de l’être ’»(p.177) 138 . Qui choisit alors ? On voit se profiler toute la question du sujet. Qui est l’auteur ? Henri Ey renvoyant une partie de la cause de la folie au corps, peut faire de la folie une contrainte pesant sur la liberté du sujet. Jacques Lacan ne reconnaissant qu’une réalité psychique, est obligé de placer la liberté et la contrainte dans la même ‘«’ ‘ substance ’» (psychique). Tout son problème à venir sera de définir leurs règles de cohabitation : comment le sujet concret, le sujet selon le sens commun, le moi, cohabite-t-il avec l’Autre, le véritable auteur du texte ?

Dans la troisième partie de l'article sur la causalité psychique, Jacques Lacan se propose de nous éclairer sur les conditions concrètes du drame de la folie. Il nous rappelle les liens constitutifs de l’imaginaire, ce qu’il y a de plus psychique en nous, avec le narcissisme. Page 177 : ‘«’ ‘  l'histoire du sujet se développe en une série plus ou moins typique d'identifications idéales qui représentent les plus purs des phénomènes psychiques ’» ; aussi le moi n'est pas comme le veut la conception commune, conception dont Freud lui-même est resté prisonnier, ‘«’ ‘ le lieu ’» où s'intègrent les fonctions de relations de l'organisme, le point où s'effectuerait la synthèse des appareils d'adaptation à la réalité ; le moi n'est plus ici qu’un stratifié d'identifications imaginaires, le lieu même de la méconnaissance.

On voit comment, à partir d’une critique de la théorie intégratrice organo-dynamique de Henri Ey née de son refus de réduire le psychique, Jacques Lacan tend vers la négation de toute réalité psychique. Le psychique subsistant ne peut plus être qu’illusion et méconnaissance. J. Lacan ne retient que les aspects négatifs des deux thèses sur l'imaginaire 139 , la thèse classique qui n'en fait qu'une réalité amoindrie, et la thèse romantique qui en fait une surréalité mais coupée de notre monde réel. Il ne retient que le manque. 140

C'est de la prématurité et du rôle de l'image dans la construction de l'identité que résulte la prévalence de l’imaginaire au cœur de l'homme. C'est ‘«’ ‘ ce nœud imaginaire absolument essentiel qu'obscurément et à travers des contradictions doctrinales inextricables la psychanalyse a pourtant admirablement désigné sous le nom de narcissisme ’». Pour Jacques Lacan, Freud et les psychanalystes qui l’ont suivi ont bien fait de retenir ce mot mais n'ont rien compris à la notion, au sens du mythe lui-même. Il étaye donc sa critique sur ce sens : ‘«’ ‘ le rapport de l'image à la tendance suicide que le mythe de Narcisse exprime essentiellement ’» (p.166). Ainsi, en un raccourci brillant, Jacques Lacan lie narcissisme et instinct de mort. Mais il ne limite pas la valeur de cette équation à la seule psychopathologie des psychoses, il en fait une loi psychologique universelle. Pour lui la mort, la tendance suicidaire, l'agressivité envers l'autre, la folie font l'essence même de l'homme. C’est même en elles que l'esprit humain s’exprime le plus authentiquement. 141

Ainsi en voulant sauver la psychologie de tout réductionnisme, Jacques Lacan aboutit à une irréalisation du psychique et même à une irréalisation de l'homme qui préfigure Foucault 142 . La mort, la folie sont enfermées dans l'essence même de l'homme, puisque c'est par là qu'il se distingue de l'animal 143 . Mais cette folie qui le fait homme (‘«’ ‘  cette folie par quoi l'homme se croit un homme ’») n'est justement qu'une folie, un fantasme. L'homme n'est rien que la passion d'être homme. L'homme n'est qu’imaginaire, cet imaginaire qui est toute la réalité psychique.

Progressivement la pensée de J. Lacan évolue. Pas encore de rupture cependant. Dans cet article Jacques Lacan continue encore à prôner la méthode phénoménologique telle qu'il l’a utilisée dans sa thèse. Freud ici est peu évoqué, et jamais comme garant. Il propose même de le corriger dans un sens plus ‘«’ ‘ phénoménologique ’» . Il préfère de beaucoup citer Montaigne, Saint Augustin, Descartes, Hegel, Heidegger, ou Merleau-Ponty. Cependant, si le fond de sa thèse change peu –une partie de sa communication est un résumé de sa thèse sur la paranoïa-, s’il n’y a pas de basculement, il commence à rompre des liens. Avec les bergsoniens accusés de ‘«’ ‘ ventriloquie métaphysique ’»(p.162), avec Blondel, porté aux nues dans la thèse, devenu l’auteur de  ‘»’ ‘ l'élucubration la plus bornée ’» 144 . Et surtout on le voit le ton change (J. Lacan dirait le ‘«’ ‘ style ’») car c’est surtout son goût de la polémique et son plaisir aux formules assassines qui le guide. Le Grand style. Sur le fond tout de même, on voit le stade du miroir prendre plus d’importance et plus de vigueur existentielle - il vient prendre la place du stade du surmoi pour expliquer la structure paranoïaque de la relation humaine-. Simple étape au départ, il se pose de plus en plus en position indépassable. J. Lacan commence à évoquer sa communication sur le stade du miroir interrompue (‘«’ ‘ au quatrième top de la dixième minute’») au congrès de Marienbad.

Notes
130.

Dans une lettre à Loewenstein -qui fut son amant-, Marie Bonaparte écrit : « nous sommes peu à Paris de vrais analystes. Je citerai Odier, s'il revient, Schiff et Nacht dont la formation est bonne. Leuba vaut par le caractère mais pour lui tout est psychique... quant à Lacan il est par trop teinté de paranoïa et fait des choses d’un narcissisme discutable ». Cité par Celia Bertin, 1982, page 351.

131.

«  Ecrits », p. 195-211

132.

« Autres écrits », p.85-99.

133.

« Ecrits », p. 150-192.

134.

Au sens jacksonnien. Pour prévenir toute confusion, précisons déjà que le moi selon Henri Ey n'est pas le moi selon l'ego psychologie, lequel est bien loin de prétendre assurer l'intégration des fonctions psychologiques.

135.

Un peu plus loin il moque l’ » oblativité » chère aux psychanalystes français –et à Pichon, qu’il ne nomme pas-. Mais alors il faudrait que lui-même choisisse entre le plan moral et le plan psychologique. On peut essayer de faire la théorie psychologique, psychopathologique si l’on veut, de l’oblativité comme du fascisme, -comment se construisent les particularités psychologiques qui pousseront tel sujet à commettre tel acte « fasciste », et tel autre à se sacrifier - c’est une chose. Autre chose est de refuser la conception du moi d’H. Ey au prétexte que des idéaux moraux pourraient participer à l’intégration du moi.

136.

Henri Ey lui reprochera de n’appuyer ses analyses que sur une clinique tirée de la mythologie ou de la littérature. Notons au passage que Lacan néglige d’étudier le narcissisme de Célimène, ne retenant comme modèle que celui d’Alceste.

137.

On retombe dans le poncif de l’opposition bourgeois adapté/ génie fou, et en arrière-plan sa « Légende dorée » et ses saints martyrs Hölderlin, Nietzsche, Artaud…

138.

Sur la liberté et le choix, J. Lacan est entre Sartre et Spinoza, entre la pure liberté de l’esprit comme pour-soi, et l’absolu déterminisme des créatures au sein d’une nature naturée. Qui est le sujet au sens de « l’auteur », dans un cas le pour-soi, dans l’autre Dieu sive natura. Lacan dit « l’être ». (Notez qu’aujourd’hui l’ambiguïté se maintient dans l’usage des mots. On dit par exemple pour dire se prendre en mains, devenir « acteur de.. , ce qui n’est pas sans ambiguïté puisque l’acteur cela peut être celui qui « agit » mais aussi celui qui représente, celui en qui parle le texte d ‘un autre. Par l’utilisation du mot acteur, se poursuit en sous-main l’influence du paradigme structuraliste des années 60-70, dessaisissant le sujet concret du sens de ses actes, à l’intérieur du paradigme pragmatique.

139.

On ne peut bien comprendre les positions de Jacques Lacan sur l'imaginaire et sur le moi, sans se rappeler les ouvrages que Sartre avait publié dans ces années : « L'imagination » (1936), «L’imaginaire” (1940), et sur le moi l'article sur «La transcendance de l'Ego » (1938) où il oppose la liberté pure de la conscience, sujet pur, au Moi, cet ego personnel, particularisé, rejeté comme objet dans le monde –il n’y a pas de monde intérieur, pas de vie intérieure-. « L’être et le néant »est paru en 1943.

140.

La pensée de l’imaginaire comme monde intermédiaire, médiation, a été théorisée par Winnicott pour les psychologues. Cette pensée d’un monde médiateur (anges, icônes) a des origines profondes et lointaines (c’est notre Orient ). Lacan, janséniste, accentue la coupure entre les deux mondes.

141.

Placer la rencontre avec l'autre sous le sceau de l'agressivité et de la folie, c'est-à-dire de la mort, ce n'est pas ici le résultat d'observations cliniques (une clinique plutôt centrée sur la criminologie : l’Infirmerie de la préfecture de police, Aimée, les sœurs Papin) mais plutôt une option philosophique, et au fond éthique. Une autre vision de la rencontre est possible comme chez Lévinas. Chez lui le visage de l’autre me prend en otage mais ne me renvoie pas à mon narcissisme. Il m’oblige à l’altruisme.

142.

Une phrase comme celle qui suit ne déparerait pas la conclusion des Mots et des Choses : «  quand l'homme cherchant le vide de la pensée s'avance dans la lueur sans ombres de l'espace imaginaire, en s'obstinant même d'attendre ce qui va en surgir, un miroir sans éclat lui montre une surface où ne se reflète rien » 

143.

Craignant sans doute le reproche de tomber dans la métaphysique, J. Lacan s’essaye à consolider sa théorie de l'imaginaire par un recours à l'empiricité animale, montrant que l'imago est féconde non seulement en psychologie à qui elle fournit son objet, mais également en biologie. Il cite un travail de Harrisson sur la détermination de l’ovulation, et un de Chauvin sur la transformation du criquet pèlerin.Ce faisant on peut se demander s’il n’ébranle pas sa thèse essentielle sur la spécificité de la nature humaine.

144.

Charles Blondel est mort en 1939, Henri Bergson en 1941. Une génération disparaît.