Dans une intervention de 1998 sur ‘«’ ‘ Les contre-indications au traitement psychanalytique », ’publiée ensuite dans ‘«’ ‘ Nervure ’» (Nervure XI, n° 4, mai 1998), Jacques Alain Miller l'héritier et gérant du lacanisme en vient à s'exprimer sur la question du moi. Selon lui, toutes les conditions d’ ‘»’ ‘ analysabilité » ’que de nombreux psychanalystes ont essayé de relever, ‘«’ ‘ convergent toutes sur un point identique et majeur la force du moi ’». Jacques Alain Miller est donc amené à prendre position sur cette question. Son point de vue s'écarte de celui de Lacan, ce qui est bien naturel puisque J. Lacan et ses ennemis ont disparu, mais sa critique du moi justifie qu’on s’arrête sur l’argumentation utilisée qui reste caractéristique de l’école. Pour Jacques Alain Miller, ce critère de la force du moi enferme une aporie : ‘«’ ‘ car cette force du moi où finalement se résumeraient toutes ces conditions d'analysabilité, est aussi ce qui était attendu de l'analyse elle-même comme résultat. Donc d'une certaine façon, on peut dire que la considération de ces contre-indications et indications conduisait à ce que l'étape finale attendue de l'analyse soit en quelque sorte exigée à son début ’». On voit donc que sur ce terrain très clinique des contre-indications, Jacques Alain Miller développe une argumentation typiquement philosophique, ce qui ne nous surprendra pas. C'est l’argumentation de Zénon nous démontrant que le mouvement est impossible. C'est l'argumentation caractéristique développée hier et aujourd'hui contre l'autonomie et le développement. C'est toujours nous enfermer dans le tout ou rien, dans une pensée de la coupure. L'idée que l'autonomie soit une conquête et demande du temps est refusée. Dans une telle pensée ou bien l'on est autonome et on l'a toujours été, ou bien on ne l’est pas et on me le sera jamais, solution habituellement retenue par les lacaniens. Un peu plus loin cependant abandonnant sa rhétorique, Jacques Alain Miller revient à la clinique et retient les critères de Glover. Mais c'est pour dire aussitôt que cette psychanalyse-là n’est plus d’actualité, que ce qui était soin et traitement, n'est plus qu’ ‘«’ ‘ expérience psychanalytique ’» : ‘«’ ‘ du traitement qui peut être indiqué ou contre-indiqué (...) on est passé à l'expérience vitale voire existentielle ’». On peut vérifier là ce que nous suspections de la complicité naturelle entre la puritaine psychanalyse lacanienne, et toutes les thérapies venues des USA. Car enfin en quoi la recherche d’une expérience ‘«’ ‘ vitale ’», ou ‘«’ ‘ existentielle, d'une ’ ‘«’ ‘ aventure subjective » et de l’ ’ ‘»’ ‘ authenticité ’», se distingue-t-elle de ce que nous proposent toutes les officines de développement personnel, qui se disputent le marché. D’où une conclusion désabusée –et rassurante - : « ce qu'il reste comme question, c'est ‘«’ ‘ où est l’éthique de l’analyste ? ’». Est-ce à placer dans son opportunisme ? Et les psychanalystes ont été opportunistes. Ils ont pris les places qu'on leur ouvrait. Est-il dans cet opportunisme ou dans un purisme qui est aujourd'hui absolument désuet, ou qui ne garde sa place que dans le registre de la formation de l'analyste?»