Le chapitre VIII est le chapitre le plus spécialisé de tout l'ouvrage puisqu’il est entièrement consacré à la question des automatismes préconscients. Hartmann nous propose d'étudier le rôle des automatismes préconscients dans l'adaptation à la réalité. Il précise qu'il pose ici le problème de l'adaptation du point de vue de l'action conforme à la réalité. Ce problème de l'action est encore un de ceux que la psychanalyse a négligés jusqu’à présent, son attention étant focalisée sur la pathologie et les conflits intra-psychiques. Hartmann appelle de ses vœux une psychologie génétique de l'action (en cela il est très moderne) dont il pense qu'elle jouerait un rôle important dans la théorie du développement du moi. L'action passe par le corps (Schilder, 1924) et ses automatismes : ‘«’ ‘ pour accomplir l'action le corps se sert de divers appareils. Ces appareils moteurs (...) sont organisées, chez l'adulte, en vue d'activités bien rodées par l'exercice, il fonctionnent automatiquement ’». Cette automatisation ne se limite pas à la motricité, elle se manifeste également dans la perception et la pensée. Il ne s'agit pas pour Hartmann de réduire le comportement humain à un ensemble d'habitudes comme le proposait alors la théorie du conditionnement. Pour lui, il est important de laisser les automatismes à leur juste place, dans le cadre d'une structure psychique à laquelle ils sont subordonnés. La théorie du conditionnement ‘«’ ‘ néglige totalement l'élément personnel, la direction effectuée à partir du moi ».’
Ces automatismes se situent dans le préconscient. Hartmann s'appuie sur Freud qui dans le mot d'esprit écrivait : ‘«’ ‘ ces processus qui se déroulent dans le préconscient et auxquels manque l'investissement d'attention liée à la conscience, peuvent être désignés à juste titre par le terme d'automatiques ’». Encore une fois ce qui intéresse ici Hartmann ce ne sont pas les aspects pathologiques, en lien avec la compulsion de répétition, des automatismes, et bien étudiés par la psychanalyse depuis ses débuts. Ce qui l’intéresse dans le présent contexte, celui du moi et de l’adaptation, c'est l'action adaptée des automatismes, le rôle qu’ils jouent dans le processus d'adaptation. De ce point de vue, l'automatisation présente un avantage économique : ‘«’ ‘ une économie d'attention et d'investissement conscient ’», notamment pour les processus centraux, compliqués, mais courants et prévisibles. Il note au passage que l'automatisation peut aussi jouer un rôle de protection contre les excitations. Sans doute les automatismes peuvent-ils parfois constituer un obstacle à l'adaptation, dans la mesure où ils rigidifient les réactions du moi, et l’un des objectifs de l'analyse est alors de redonner de la souplesse au moi. Mais on ne doit pas négliger l'utilité des automatismes. Au fond ‘«’ ‘ on peut dire qu'aussi bien la plasticité que l'automatisation sont des caractéristiques spécifiques nécessaires du moi ; en ce qui concerne l'activité adaptée, ce qui importe c'est la façon dont les fonctions partielles opèrent dans chaque cas, ainsi que le degré de collaboration de ces deux éléments dans un même comportement ’» (p . 74). Le moi sain doit être capable de mettre au repos ses fonctions les plus importantes. Cette suspension de ses fonctions doit être apprise. Un moi sain doit agir et penser de façon plastique et aussi de façon automatique.
A la fin du chapitre Hartmann aborde tout de même la question du rapport existant entre ces automatismes, le principe de plaisir, et la compulsion de répétition. En ce qui concerne le rapport avec le principe de plaisir, les automatismes en tant qu’ils favorisent le rapport à la réalité, maintiennent quelque chose qui ‘«’ ‘ en tant qu'accomplissement d'une tâche, évitement d'un trouble, entre autres, a été source de plaisir ’». Quant au rapport avec la compulsion de répétition il est plus complexe. Selon Nunberg, c'est dans la lutte contre la compulsion de répétition que se met en place le contrôle de la réalité. Mais pour Hartmann il faudrait distinguer deux sortes de répétitions qui peuvent fusionner dans un comportement mais peuvent aussi apparaître séparément. Comme exemple de la première forme il évoque les travaux de Spitz. Par exemple l'enfant qui répète activement un traumatisme vécu passivement par exemple se cogner la tête manifeste un besoin de maîtrise et un plaisir fonctionnel. Ce type de répétitions diminue avec le déclin du complexe d'Œdipe. A l'inverse les automatismes de pensée et d'actions inhérents aux processus d’apprentissage vont jouer un rôle de plus en plus important avec l’âge. Ils sont plus liés au Moi et à son autonomisation croissante et ce serait donc une erreur d’employer à leur sujet l’expression de compulsion de répétition.. Il y a pourtant une similitude fonctionnelle entre les deux : ‘«’ ‘ la compulsion de répétition est une forme de régulation plus ancienne que la direction par le moi ; elle peut triompher de cette dernière, mais à l'occasion elle peut aussi coïncider avec cette tendance ; cependant dans certaines circonstances, le moi peut aussi se servir d'elle ’» (p.79). Dans les automatismes propres aux apprentissages, la compulsion de répétition est utilisée dans le sens des tendance du moi dirigées par la réalité. Mais ‘«’ ‘ beaucoup de points incertains subsistent lorsqu'on applique ainsi ce concept de compulsion de répétition à un domaine aussi éloigné de celui qu'il a servi à étudier ’».
Le dernier chapitre (Chapitre IX ‘«’ ‘ Les appareils du moi. Le développement autonome du moi ’») constitue le chapitre conclusif et se termine par un résumé du projet de Hartmann et de la place qu'il devrait occuper dans la théorie analytique. Ce chapitre est centré sur les appareils psychique au service du moi, leur développement propre, autonome, qui en fait des facteurs importants pour le développement et l'indépendance du moi. Hartmann emprunte la notion d'appareil psychique à Bleuler et Schilder. Ce terme selon lui renvoie à l'idée d'une certaine forme, architecture, qui facilite la fonction. Pour l'essentiel le développement de ces appareils dépend de l'hérédité, de la maturation, et de l'apprentissage plus que de la pulsion, même si celle-ci joue aussi un rôle dans leur développement en le favorisant ou en l’entravant. Le désir, la pulsion, ont bien un rôle moteur, conatif, mais ces appareils ont aussi un rôle facilitateur ou non. Dès lors qu'on s'intéresse à une psychologie générale de l'action, et à la sphère libre de conflit du moi, on doit donc se consacrer à l'étude ces appareils. Évidemment un tel problème dépasse le problème de l'analyse, mais ‘«’ ‘ Freud a déjà donné l'impulsion en procédant à un tel élargissement de la psychologie du moi et à l'étude de ses fonctions qui ne se déduisent pas de la pulsion ’» (p. 81). Les appareils qui, comme la perception, la motricité, l'intelligence, le langage, sont au service du moi, dépendent pour partie de l'exercice et de l'apprentissage, mais pour partie dérivent de dispositif innés. Sans doute le nouveau-né n'en dispose pas pleinement, mais la maturation se poursuivant, la mise à disposition progressive de ce dispositif va s'accentuer au long du développement (par exemple l'inhibition de la défécation présuppose un certain processus de maturation ). De même certains appareils inhibiteurs semblent être innés, c'est du moins l'avis de Freud dans les ‘«’ ‘ Trois essais ’» (1905), pages 80-81. Selon Hartmann toujours, Freud a généralement défendu cette position d’une innéité des caractéristiques du moi. Enfin la maturation et/ou l'exercice de ces appareils autonomes exercent sans doute une influence sur le développement des mécanismes de défense (pas tous certes : Hartmann cite le déni, l'évitement, la formation réactionnelle, l'isolation, l'annulation rétroactive).