Il est un fait avéré, que toute notre première partie nous a permis de vérifier, c'est qu'un des thèmes les plus récurrents de la psychanalyse lacanienne, en même temps que l'argument de base des manifestes fondateurs, est le rejet de la psychologie. Comme le pointe avec raison Y. Brès dans un article du ‘«’ ‘ Bulletin de psychologie ’» : ‘«’ ‘ alors que Freud déclare sans cesse que la psychanalyse appartient à la psychologie, de nombreux psychanalystes français des trente ou quarante dernières années tiennent pour acquis que la psychanalyse n'est pas de la psychologie et que rien n’est pire pour elle que d’être ’ ‘«’ ‘ rabattue » sur le plan psychologique »’ 441 . Il faut lire tout cet article très instructif et auquel nous allons seulement emprunter quelques citations de Freud.
L’article démontre que Freud parle continuellement de psychologie et à aucun moment ne manifeste l'intention d'établir la moindre distinction entre la psychanalyse et la psychologie. Dès les ‘«’ ‘ Etudes sur l’hystérie »’, l'objectif affirmé est d'expliquer et de soigner les névroses en abandonnant la méthode médicale classique pour une technique « psychologique ». ‘«’ ‘ Notre intérêt devait donc se tourner vers la psychologie »’ dira-t-il plus tard (dans ‘«’ ‘ Ma rencontre avec Popper-Lynkeus ’ », texte de 1932 442 ). Même si Freud a souvent affirmé son ambition de faire entrer la psychanalyse dans le cadre des sciences naturelles (voir notamment l’ ‘»’ ‘ Esquisse d’une psychologie scientifique ’»), il n'en a pas moins toujours manifesté clairement dans toute son oeuvre l'affirmation de l'existence d'une réalité psychique. Dans une lettre à Popper-Lynkeus justement du 4 août 1916, à propos des tentatives réductivistes de Mach, il déclare : ‘«’ ‘ mon point de vue plus étroit m'avait malheureusement empêché de me rapprocher de lui, et il m'avait fallu considérer comme non psychologique sa façon de traiter les phénomènes psychiques. Le physicien et la psychologie ne s'accordent guère ’». 443 A Fliess en 1898 : ‘«’ ‘ je suis loin de penser que la psychologie flotte dans les airs et n'a pas de fondement organique’ ‘ 444 ’ ‘. Néanmoins, tout en étant convaincu de l'existence de ces fondements, mais n'en sachant davantage ni en théorie, ni en thérapeutique, je me vois contraint de me comporter comme si je n'avais affaire qu'à des facteurs psychologiques. ’» 445 Dans l’article sur ‘«’ ‘ L'analyse profane ’» : ‘«’ ‘ la psychanalyse n'est pas une spécialité médicale. Je ne vois pas comment on pourrait le contester. La psychanalyse est une partie de la psychologie »’ 446 . Dans ‘«’ ‘ L'intérêt pour la psychanalyse »’ : ‘«’ ‘ la psychanalyse enseigne qu'une bonne moitié de la tâche psychiatrique incombe à la psychologie ’» 447 . Bref, on aurait bien du mal à trouver chez Freud l'affirmation d'une coupure entre psychologie et psychanalyse. La psychanalyse apporte au domaine de la psychologie sa connaissance des phénomènes inconscients. Elle vient la compléter, elle ne substitue pas à elle.
Numéro spécial (423) en hommage à Juliette Favez-Boutonnier, p.198.
Texte en français dans « Résultats, Idées, Problèmes », cité par Y. Brès p.199. On peut trouver ce texte aussi dans les Oeuvres complêtes, tome XIX, p. 279-285. La phrase citée par Y. Brès est précédée par « Ces nouveaux acquis de l'expérience apportaient en effet la certitude que les malades que nous appelons nerveux souffraient, en un certain sens, de troubles psychiques et devait donc être traités par des moyens psychiques. Notre intérêt devait se tourner vers la psychologie”, p.279.
«Correspondance 1873 – 1939”, Paris, Gallimard, 1960, page 34.
Inutile de rappeler la position clairement biologique, et pourtant si peu scientifique de son ami Fliess.
Sur la conception jacksionienne du premier Freud, voir l'introduction de Ernst Kris à «La naissance de la psychanalyse”. Paris, P.U.F., 1956.
Cité par Y. Brès, p. 201.
Cité par Y. Brès, p. 203, d’aprés la trad. Assoun, Paris, Retz, 1980.