La demande de l’enseignant

Le plus fréquemment c’est lui qui nous parle en premier de l’enfant. Parfois cette parole suffit pour l’apaiser 573 . Il a trouvé une écoute et ce fait simple d’être entendu ou encore d’avoir pu échanger, l’accompagnement de sa réflexion, les réactions du psychologue, les informations qu’il a pu apporter, ont suffit à lui donner les ressources nécessaires à la relance d’une relation pédagogique positive avec l’enfant en difficulté. Cet échange où le psychologue joue un rôle plus ou moins actif l’a apaisé et/ou revigoré. On retrouve là ce que nous disions du rôle d’étayage et de médiation joué par tout psychologue. Une difficulté rencontrée par un enseignant devient un problème à partir du moment où il se trouve en situation d’être empêché de penser. L’entretien avec le psychologue lui rouvrira cet espace de pensée, d’abord en lui permettant -seul ou en groupe- d’exprimer ses émotions, son angoisse, sa colère, 574 mais aussi en lui permettant à travers cet échange d’élaborer des actions pratiques qu’il mettra en oeuvre sans plus avoir besoin du psychologue scolaire.

Il y a en effet deux issues au(x) premier(s) échanges(s) entre le psychologue et l’enseignant : soit l’instituteur à l’issue de l’entretien, pense qu’il peut seul dans le cadre de sa classe et/ou avec l’aide des parents, faire évoluer les choses, et l’on reste dans le cadre du « contrat pédagogique ordinaire », soit il apparaît que le psychologue scolaire doit intervenir activement.  Dans ce dernier cas deux points nous paraissent importants à souligner. Premier point : dès lors que la demande d’intervention se précise il importe que la forme de l’entretien évolue, qu’on ne reste pas dans le simple accueil ( voir Bion) de la « plainte ». Il faut clairement préciser les difficultés rencontrées, ce qui a été tenté, les effets, 575 ce qui en a été dit aux parents. Deuxième point : dès lors que l’enseignant demande explicitement notre intervention auprès de l’enfant, il importe qu’il ait compris que les parents allaient être associés à l’intervention, avant même toute démarche d’évaluation, ce qui implique qu’il les rencontre pour cela. Chacun sait que la réussite à l’école repose sur l’implication des parents. Certes on peut trouver des cas où l’enfant a réussi à l’école contre ses parents, des cas même où l’école a réalisé de véritables sauvetages psychologiques (voir plus loin nos réflexions sur la résilience). Cependant dans les situations courantes, et l’on doit toujours poser a priori qu’on se trouve dans une situation ordinaire, la résolution d’une difficulté repose sur leur implication. Si l’enseignant a compris cela, il ne se contentera pas de faire signer un formulaire de consentement à l’intervention du psychologue de l’école. C’est la plus mauvaise façon d’engager une demande, qu’on ne peut certes écarter dans le cas où les parents ne se mobiliseraient pas, mais qui n’est qu’un pis aller. Dans la grande majorité des cas, les parents seront convaincus de la nécessité d’engager cette démarche, et qui plus est cet échange suffit parfois à faire bouger les choses. À la fin de cet entretien entre enseignant et parents, un bon signe (ou test) de leur implication résidera dans leur capacité à prendre l’initiative en appelant eux –mêmes le psychologue scolaire.

Notes
573.

On oublie combien certains enseignants en secteur rural peuvent se sentir complètement seuls face à leurs difficultés, sans interlocuteur qui puisse les écouter et les comprendre. La visite du psychologue scolaire sert aussi à cela. Parfois on s’aperçoit à la fin de la rencontre qu’on a parlé de tout sauf de l’élève qui avait motivé cette rencontre.

574.

Pour parler comme les psychanalystes, le psychologue joue là le rôle de « sein-poubelle » (voir Bion et le travail "maternel" de détoxication). Sans nier l’importance de ce phénomène, nous sommes conduits dans ces derniers chapitres à mettre plutôt l’accent sur les aspects les plus secondarisés de notre intervention – ne serait-ce que pour réagir contre la dérive la reduisant à l’écoute passive.

575.

Les informations apportées par le maître, les contrôles faits en classe, notamment des évaluations faites au plan national à certaines étapes, l’observation des cahiers, sont des éléments importants de l’évaluation de la situation, qui pourront être confrontés aux résultats obtenus par l’enfant lors de l’examen pratiqué par le psychologue scolaire si celui-ci est demandé.