Les difficultés passagères

‘ Io, vue une première fois en fin de C.P. A son arrivée en France, malgré son âge, on l’avait placé en maternelle pour lui permettre d’acquérir quelques rudiments de la langue. Le père lui-même ne paraît pas bien comprendre le français bien qu’il affirme le contraire. Io est un enfant agréable, affichant en permanence un grand sourire, mais notre échange est limité par de grosses difficultés de compréhension et d’expression orale. Assez fièrement, il me montre qu’il connaît quelques lettres. Dans les épreuves non-verbales il obtient un Q.I. de .76. Il passera seulement deux épreuves verbales, les tests d’information et d’arithmétique, qui, ne nécessitant pas de faire des phrases, me paraissaient plus accessibles. Ses résultats correspondent à ceux d’enfants de deux ans plus jeunes. A défaut de classe d’adaptation on mettra en place un soutien très renforcé en réseau.
Ce qui frappe dans l’évaluation des capacités intellectuelles de Io, c’est, malgré les chiffres, sa relative mobilité psychique qui le différencie d’Agathe. Dans les épreuves cognitives non verbales même s’il échoue il se mobilise dans le temps imparti, et parfois il progresse dans sa stratégie d’un item à l’autre. Dans nos entretiens, limités par les difficultés de langage, il est attentif à mes réactions, et essaie de calquer son expression sur la mienne.
Au terme de l’évaluation, je doute que Io souffre d’une déficience intellectuelle. Il vaudrait mieux parler dans son cas de «  retard scolaire ». Une fois cela dit, cela ne fait pas disparaître son problème. Ses difficultés à acquérir des instruments essentiels, tant pour le suivi des études, que pour l’adaptation professionnelle ultérieure, constituent un véritable handicap. Car en fin de compte les apprentissages fournissent eux-même des appuis aux opérations psychiques ⁶⁵⁷ . Cela ne nous permet pas non plus de trouver une solution. Tout au plus peut-on faire valoir aux maîtres successifs ses réelles capacités et les points où il peut être valorisé. La situation des «  retardés scolaires » n’est pas facile dans l’école d’aujourd’hui : le système scolaire a banni le redoublement et ne permet plus qu’un maintien d’une année scolaire supplémentaire à l’école élémentaire. Or l’individualisation de l’enseignement a ses limites dans une classe ordinaire. Les classes de perfectionnement qui, par une dérive malheureuse en un sens mais heureuse en un autre, avaient élargi leur recrutement vers le haut et pouvaient accueillir ces enfants souffrant d’un simple retard, ont été remplacées par des classes d’intégration pour enfants handicapés où ils n’ont pas leur place. Du coup on ne sait trop quel projet mobilisateur leur proposer jusqu’à ce qu’ils puissent partir en apprentissage ⁶⁵⁸ . ’