Vers le sujet. Pour une clinique globale : l’approche projective

L’évocation ici des tests projectifs ne surprendra pas les psychologues pour qui la « clinique » se confond avec le diagnostic psychopathologique. Ce n’est évidemment pas en ce sens que nous entendons la clinique, ni l’utilisation des épreuves projectives. Nous avons caractérisé la clinique comme approche de la personnalité globale et dynamique. C’est dans cet objectif que nous recourons aux épreuves projectives 726 . Si l’on veut faire jouer le fonctionnement psychique d’un sujet singulier dans sa globalité, cognitif et affectif mêlés et interagissant, alors il est naturel de se tourner vers des épreuves de ce type. Elles sont « cliniques » en ce qu’elles mobilisent le sujet dans sa globalité ; elles sont « cliniques » aussi en ce qu’elles proposent des situations suffisamment floues pour ouvrir un espace à la créativité psychique du sujet. 727

Dès le début de leur histoire ces caractères ont été relevés. L.K. Frank, le premier auteur à avoir parlé de méthodes « projectives » 728 , soulignait en effet qu’elles s’adressent à une personnalité globale, et selon un point de vue dynamique. ‘«’ ‘ La personnalité processus dynamique, est l’activité continuelle de l’individu engagé dans la création, le maintien et la défense du monde privé dans lequel il vit »’ 729 . En quelques lignes sont mentionnés les deux aspects essentiels d’une conception dynamique du psychisme, le jeu défensif et le rapport de la dynamique à la création.

Mais dès lors que l’on ambitionne une clinique globale, on se heurte au problème de la standardisation. Les épreuves psychométriques – et d’autant plus qu’elles sont plus métriques, ie standardisées – sont atomistiques, mesurant différents facteurs selon des échelles quantitatives. Les tests projectifs qui visent une personnalité dans son ensemble, ne testent pas des variables séparées 730 . La personnalité globale n’est pas une simple somme de variables. 731 Ses différents éléments interagissent. L’objet de la clinique projective est donc un objet « complexe » mais unifié par sa « dynamique intégrative ».

De ce fait la standardisation des épreuves projectives se heurte aux plus grandes difficultés. Mais il y a un si grand bénéfice pour la compréhension du sujet à cerner cette dynamique qu’il vaut bien quelque sacrifice. Ce qui apparaît comme un défaut sur le plan des exigences « scientifiques », a d’un autre côté l’intérêt de nous obliger à faire appel à notre finesse intuitive, à notre sens psychologique naturel. Entendons-nous, il n’y a pas un antagonisme absolu entre échelles standardisées, et épreuves projectives « floues », ni entre les fonctionnements psychologiques qu’elles mobilisent chez le psychologue, dans un cas la rigueur, dans l’autre la finesse. Même l’utilisation d’échelles standardisées n’interdit pas la mobilisation chez le psychologue de son empathie, de sa sensibilité aux résonances qui naissent dans cet espace d’entre-deux dont nous parlions. Mais si les échelles standardisées ne l’interdisent pas, elles ne sollicitent pas non plus cette empathie, d’où un plus grand danger pour le psychologue de se maintenir avec elles dans un fonctionnement opératoire, soit pour se défendre, pour éviter d’être touché affectivement, soit par simple facilité, par « économie » ou fatigue. Dans les épreuves projectives un tel fonctionnement opératoire est plus difficile, moins naturel, même s’il n’est pas impossible ( On peut là aussi s’en tenir à des calculs savants de pourcentages pour ne pas mobiliser ce fonctionnement intermédiaire, cet accompagnement « rêveur » que le matériel sollicite non seulement chez le sujet, mais aussi chez le psychologue). 732

«  Les tests projectifs renseignent sur l'intégration psychologique, c'est-à-dire sur les diverses qualités du moi : sa capacité de contrôler les affects, son pouvoir d’attention et de concentration, ses dispositions pour les tâches intellectuelles, son souci de rigueur et de logique, son sens de la réalité, la richesse de son expérience acquise (…) ils inventorient les zones de force et de faiblesse en ce qui concerne le contrôle du moi aux prises avec les pulsions et avec les affects et les représentations psychiques issues de ces pulsions. Ils permettent d'apprécier la « perméabilité » de la conscience (M. Klein), c'est-à-dire sa plus ou moins grande disponibilité (ou fermeture) envers les processus psychiques susceptibles de l'envahir » Anzieu-Chabert, 1987, p. 321-322. 733

A l’inverse des épreuves standardisées, les méthodes projectives proposent donc des situations ambiguës permettant une grande diversité de réponses. C’est cette ambiguïté même, ce flou, ce jeu, qui ouvre à la mobilisation des différents niveaux de la personnalité, et patticulièrement à une clinique de la transitionnalité, des mouvements et des passages. Si la clinique projective comme tous les tests vise le Moi, elle s’adresse plus spécifiquement au Moi passeur, au Moi médiateur et intégrateur qui lie 734 pulsions et réalité, primaire et secondaire 735 .

La clinique projective ne s’est pas comprise elle-même tout de suite comme telle. Les épreuves projectives ont d’abord été considérées comme simple jeux d’imagination 736 , à une époque où l’imagination était dévalorisée. Depuis, grâce à Winnicott surtout, son pouvoir créatif a été revalorisé 737 . Le test projectif permet de juger de l’aptitude du sujet à fonctionner dans une aire transitionnelle 738 . Autrement dit sur sa capacité à bouger psychiquement, à jouer entre réel et imaginaire, entre l’objectif et le subjectif, entre le socialisé et l’intime.

Ainsi c’est la souplesse et la perméabilité du moi que les épreuves projectives permettent d’évaluer. Puisque le test projectif est « focalisé sur le moi dont il fournit une bonne estimation », puisqu’il est même ‘«’ ‘ particulièrement précieux lorsqu'il s'agit de resituer tel processus secondaire, notamment l'intelligence, dans la dynamique d'ensemble du système du moi »’ 739 , on comprend qu’il intéresse particulièrement les psychologues plus concernés par le Moi, son fonctionnement et son développement, que par l’inconscient, et au premier rang d’entre eux les psychologues scolaires. Tout ce que vient d’énumérer Anzieu quant à ce que mobilise le test projectif, et ce qu’il permet donc d’évaluer : la capacité du moi à contrôler les affects, son pouvoir d’attention, son sens de la réalité, mais aussi sa perméabilité, ce lien de la secondarisation avec l’ensemble de la dynamique psychique, tout cela est l’objet même de la clinique scolaire. 740 L’examen psychologique permet donc d’évaluer l’investissement des différentes fonctions d’adaptation, la maturité ou les déficiences des fonctions psychologiques qui permettent au moi de s’adapter à la réalité, mais surtout il doit chercher à évaluer la souplesse de leurs opérations.

C’est justement à ce type d’évaluation que V. Shentoub proposait de faire servir un test projectif comme le T.A.T., série de gravures à partir desquelles le sujet doit inventer une histoire. Grâce à la grille d’analyse proposée par V. Shentoub, on peut mettre au jour, à travers la qualité des histoires produites, la valeur de leur script et les résonances affectives qu’elles entraînent, la plus ou moins grande souplesse du fonctionnement mental. La « lisibilité » des histoires, permet ainsi d’évaluer l’autonomie du moi, non dans sa capacité à refouler de manière rigide, mais dans son génie à intégrer de manière dynamique l’ensemble de la personnalité. 741 Cette capacité intégrative, qui repose sur une perméabilité contrôlée aux mouvements psychiques, peut être aussi mise en évidence par l’utilisation du Rorschach. Avec ce plus, qu’il permet de d’évaluer la tenue du fonctionnement mental face à une situation potentiellement anxiogène.

On voit bien qu’ainsi, en dehors même de tout questionnement d’orientation plutôt psychopathologique, ce type d’épreuve 742 présente l’intérêt de pouvoir faire apparaître certains aspects de l’intelligence peu mis en évidence par les tests classiques d’intelligence et de raisonnement, la créativité du sujet.

C’est son institutrice qui m’a demandé d’évaluer les capacités intellectuelles de Nina qu’elle juge « limitées”. Dans son CE 2, cette enfant de dix ans déjà, n’arrive pas à rattraper son retard, malgré ses efforts et les mesures prises au sein de la classe, pour soutenir ses apprentissages. Au point que l’institutrice en vient à se demander si elle ne serait pas mieux à sa place dans la classe de perfectionnement de l’école. C’est une enfant qu’elle trouve particulièrement « fermée”, même si parfois, dans des contextes s’écartant du scolaire, lors de visites à l’extérieur, Nina la surprend par des intuitions assez fines sur les relations entre certains camarades.
Ses parents sont tous deux portugais, et paraissent supporter assez mal leur expatriation. La mère de Nina est anxieuse et hyperprotectrice à l’égard de sa fille. Son mari lui en fait le reproche. Elle reconnaît qu’il a sans doute raison, mais ne peut s’en empécher. Nina a rencontré des difficultés dans l'apprentissage de la lecture. À cette époque, ses parents travaillaient tard en soirée et elle était gardée le plus souvent à la sortie de l’école par les grands-parents maternels qui parlaient tous les deux très mal le français et ne s'occupaient pas du travail scolaire. Ils décrivent leur fille comme une enfant douce et serviable, très sensible, pleurant parfois sans vouloir expliquer pourquoi. Elle est sujette à des maux de ventre et à des céphalées probablement en rapport avec ses soucis scolaire. Elle suit attentivement à la télé les événements de la guerre du Golfe, et les parents me demandent s'ils ne devraient pas la tenir à l'écart.
Sur sa petite enfance, sa mère se souvient que l'alimentation au sein est devenue difficile du jour où, fatiguée, elle avait fait sauter une tétée. Ces difficultés ont disparu en partie avec l'alimentation au biberon, mais Nina est toujours restée une petite mangeuse.
Notre échange se passe bien, et ils attendent beaucoup de mon intervention pour trouver la bonne façon d’aider leur enfant qu’ils sentent malheureuse.
Lors de notre première rencontre, Nina se montre extrêmement mal à l'aise. J'ai devant moi une enfant malingre qui évite mon regard et parle de façon inaudible, au point que je décide de limiter ce premier examen à la passation de quelques épreuves scolaires faciles pour elle. Je segmenterai ainsi mon évaluation en quatre parties. Peu à peu et progressivement son inhibition se lèvera et je surprendrai même des accrochages furtifs du regard, plus rapides dans mon bureau, plus insistants quand je la croise dans la cour de l'école. Elle ne sera jamais vraiment détendue au long de nos rencontres successives, mais elle améliorera progressivement ses performances. Plus une complicité s’installera, plus Nina deviendra intelligente, même si les chiffres ne le montreront pas toujours.
Durant ces quatre rencontres j’ai varié au maximum les instruments proposés, depuis les plus scolaires d’apparence jusqu’à des petits jeux de réflexion ludiques. Il s’agissait pour moi de juger de ses potentialités psychiques et d’évaluer sa capacité à retrouver une mobilité et un plaisir de penser en fonction du contexte. Au test d’intelligence, le WISC-R, passé lors des deuxième et troisième jours, le niveau limite qu'elle obtient (QI de 78) semble confirmer le jugement de l'institutrice. Mais son rendement est visiblement très abaissé par un comportement
«  catastrophique » - au sens de Goldstein-, de total affolement, entraînant tantôt un blocage idéatif quasi stuporeux, comme dans l’épreuve d'arithmétique, tantôt une activité précipitée et de plus en plus désorganisée, comme en assemblage d'objets, où ses scores s'effondrent d'un puzzle à l'autre (6, puis 3, 2, 1). Dans les épreuves verbales elle est pénalisée par un handicap linguistique et culturel, compensé par des intérêts en secteur : elle ne peut définir certains mots courants, mais connaît des mots rares probablement appris en classe.
L’échelle de pensée logique (E.P.L.
743 ) proposée le dernier jour fait mieux apparaître ses capacités opératoires dès lors qu’elle a pris confiance et qu’elle se sent «  accompagnée dans son réflexion. Ses résultats y sont dysharmoniques, mais l'utilisation du dialogue piagétien lui permet de faire preuve de suffisamment de mobilité intellectuelle, l'aide à développer sa pensée, et lui permet de dépasser ses hésitations vers une argumentation de niveau opératoire. Elle se situe au stade pré-formel, soit une belle avance par rapport au niveau intellectuel fixé par le WISC-R.. Elle maîtrise les conservations, peut réaliser après suggestion la totalité des permutations de quatre objets. Par contre elle échoue à la comparaison des proportions probablement pour des raisons de faiblesse en mathématiques 744 .
J’ai proposé à Nina les planches du Rorschach. La réactivité de Nina devant certaines planches est très forte ; ses manifestations physiques d'anxiété et d’émotivité sont importantes. Elle essaie de se défendre par la restrictivité de son discours et les précautions verbales :
« on dirait », « peut-être », mais parfois le retentissement est trop grand et la paralyse, d'où les latences importantes et les refus.
Malgré cela elle arrive à élaborer un fonctionnement suffisamment intellectualisé ; la réactivité émotionnelle évidente à travers le comportement ne barre pas autant la mentalisation qu'on aurait pu le croire, mais interdit plutôt qu'elle soit exprimée. L'implication dans la relation a une composante libidinale évidente ; visiblement Nina fait un gros effort pour donner de bonnes réponses dont en même temps elle perçoit confusément la tonalité sexuelle et donc peut-être séductrice
745 .
Au niveau de l'élaboration mentale profonde, la qualité des réponses Gz
746 et K est très révélatrice d'un riche espace intérieur et de possibilités créatrices. La possibilité d'un laisser-aller imaginaire et fantasmatique permet de voir que le refoulement n'est pas toujours rigide et opaque comme on aurait pu le croire. Cependant la mise à l'écart, l'isolation des affects qui se traduit dans le protocole par l'absence des déterminants C, E ou kob, n’est pas toujours réalisable et Nina n'a alors plus d'autre recours qu'un refus phobique désespéré.
La présence au premier plan des éléments libidinaux est trahie par la réactivité se manifestant soit par un refus, soit par une chute de la qualité des réponses aux planches sexuelles comme la IV et la VI. À cette dernière le refus de voir conduit Nina à cacher l'image obscène avec la main lors de l'enquête des limites. II renvoie probablement à l'angoisse de castration, et d'autres éléments comme l'évitement des face-à-face homme-femme montre que la différence des sexes est reconnue. On est ainsi conduit à penser que la personnalité de Nina est organisée sur un modèle névrotique dominant.
D'une organisation névrotique sont caractéristiques les mécanismes de défense typiques phobo-obsessionnels. On retrouve dans ce protocole plusieurs des traits obsessionnels de la liste dressée par R. Schafer, mais sans références à l’analité et plutôt de type oedipien, ce qui est positif
747 . Dans les éléments phobiques, on peut relever la lenteur et les refus, mais également le surgissement de contenus archaïques comme araignées, loup et monstre, desquels on peut rapprocher un contenu à caractère persécutif comme les «  yeux » de la pl. IX. Si ce dernier type de contenu est probablement surdéterminé par la situation d’examen qui la place sous le regard peut-être un peu trop aigu du psychologue, l’ensemble des traits rapportés renvoie sans doute à une problématique plus ancienne persistant sous la problématique névrotique 748 ( Si l’on se souvient de ses difficultés alimentaires, on pourrait peut-être lier la phobie à l’angoisse double d’être persécutée par le sein et/ou de l’avoir détruit). Ainsi s’expliquerait également la fragilité narcissique, source d’un sentiment d’incapacité teinté de dépression.

Nina a été adressée en psychothérapie, non en classe de perfectionnement. L’institutrice a bien compris qu’il s’agissait plutôt d’inhibition, susceptible de répondre favorablement à un étayage et n’a plus parlé d’orientation. Nina après quelques mois a bénéficié d’un projet pédagogique adapté, aménageant des situations protégées où elle pourra exprimer sa créativité. Le psychologue scolaire ici a joué le rôle du passeur, garant du maintien de la circulation de pensée entre les différents intervenants associés au projet, les parents, l’enseignante, la psychothérapeute.

Cachée sous l’inhibition de Nina, il y a une vie psychique qui n’a besoin que d’un lieu protecteur et aidant pour s’éveiller. C’est tout différent chez Maxime.

J’ai vu Maxime à la demande de sa mère qui le juge «  surdoué ». C’est une maman angoissée qui a déjà changé à trois reprises son enfant d’école.
Maxime est extrêmement sérieux. Visiblement mal à l'aise pour entrer dans la relation. C'est un enfant anxieux et qui paraît préoccupé de sa santé psychique. Face aux tests intellectuels il apparaît tendu, doutant de ses réponses, tenté sans cesse de les corriger ou de justifier ses erreurs en accusant l’école de ne pas lui avoir donné les savoirs nécessaires. Il s'exprime parfois abstraitement (par exemple disant
«  les êtres » pour les hommes), complique souvent ses réponses par des corrections, des précisions, des annulations.
Son test intellectuel est bon. Maxime est indéniablement doué pour le scolaire. Il a un Q.I. verbal de 1.27, avec beaucoup de savoirs, de connaissances, une vraie curiosité. Moins à l’aise dans les opérations mathématiques. Son QI performance est bien inférieur, il doit se situer à la moyenne, mais difficile à évaluer vraiment, compte-tenu de sa lenteur très importante qui le pénalise dans toutes ces épreuves chronométrées, avec même un échec sévère dans l’épreuve de code où il paraît totalement paralysé. Il n'est pas possible de calculer un Q.I. global.
Compte-tenu de la demande de la mère et de l’enseignante je n’ai pas fait de bilan de personnalité. Mais dans le bestiaire
749 pratiqué dans un entretien libre, sa difficulté à changer de fonctionnement intellectuel, à se laisser aller à imaginer, son accrochage à un type de relation maître/élève me préoccupe.
J’en savais en tout cas assez pour dire à sa maman que les plaintes de Maxime à propos de l'école, n’étaient justifiées que pour d’étroits domaines. Que s’il était mal à l’aise quand on ne le faisait pas
«  travailler », c’était peut-être pour se défendre d’autre chose. Je passe sur une partie de notre échange. J’ai terminé en lui disant que Maxime pourrait avoir besoin d’une aide psychologique.
Un an plus tard, en décembre 2001, madame T. m’a rappelé pour me dire que Maxime n'allait pas bien. Elle l’avait encore changé d’école et depuis quelques temps il s’était mis à bégayer et en plus il avait maintenant des tics.

J’arrête là l’histoire de Maxime, rapportée pour faire contraste avec celle de Nina, un « bon » élève face à une « mauvaise » élève. De bonnes capacités de raisonnement d’un côté, un niveau intellectuel limite de l’autre. C’est pourtant chez Nina que l’on peut mettre en évidence, pour peu qu’on en prenne le temps, une vraie capacité à bouger psychologiquement, à modifier sa relation à l’autre, et, en s’étayant sur lui, à lier, dans un espace de communication, des symboles primaires, au plus près du pulsionnel, dans une expression élaborée plus secondarisée.

Notes
726.

De la même façon que c’est pour nous une erreur de réduire la clinique à la psychopathologie et à la psychothérapie, de même, pour nous, il n’y a aucune raison de limiter l’utilisation de la situation projective, et donc des épreuves projectives, à la seule activité de diagnostic psychopathologique.

727.

Nous les disons «floues”, alors que tant la passation que la correction sont très standardisées. Nous trouvons personnellement cette standardisation excessive au détriment parfois d’une saisie plus «compréhensive”.

728.

Dans un article de 1939 et à partir de l’examen de trois épreuves : l’association de mots, le Rorschach et le T.A.T. En 1948, il publiera son livre «Projective Methodes”.

729.

Cité d’après R. Mucchielli «  La notion de projection » in « Bulletin de psychologie » 225, XVII, 2-7, p.67-72. Sur L.K. Franck voir égalemant D. Anzieu, dans son manuel sur les méthodes projectives (1961, 1983).

730.

Comme nous l’avons déjà dit, même le test le plus épuré, peut mobiliser des réactions affectives les plus inattendues. L. K. Franck disait déjà que tout peut être utilisé comme test projectif. D’où l’intérêt du repérage  des mouvements projectifs dans les épreuves cognitives par destination. Cependant les mécanismes projectifs ne sont pas également provoqués dans telle épreuve cognitive ou dans le Rorschach. Les épreuves cognitives sont faites pour neutraliser des mouvements affectifs.( Nous avons cependant déjà souligné la valence projective très forte de deux épreuves du Binet-Simon : les gravures à interpréter et les histoires à compléter).

731.

La réduction d’une personne singulière ne butte pas seulement sur l’obstacle de la « complexité », mais éveille une résistance éthique. En ce sens il est salutaire qu’il y ait toujours un reste qui échappe à l’explication.

732.

D. Anzieu qualifiait (1961, 1987, p. 18) le test projectif de « processus psychanalytique bref », c’est dire qu’il mobilise chez les deux partenaires des processus transférentiels et contre-transférentiels, et c’est signifier qu’il les attire vers cet espace intermédiaire, dans ce monde d’entre-deux où une rencontre est possible. Pour vérifier la capacité du sujet à fonctionner « transitionnellement».

733.

On peut citer aussi Boekholt (1993) : « Les épreuves thématiques apportent un éclairage sur la différenciation topique du psychisme et sur le degré de perméabilité entre les instances. Il s’agit en effet d’apprécier le degré de compromis préconscient réalisé entre les motions inconscientes dictées par le fantasme et les exigences du système perception-conscience. En d’autres termes, le clinicien essaie d’évaluer la balance entre les processus-primaires et les processus secondaires nécessaires à le création thématique », p.21. Ce qu’elle dit des épreuves thématiques s’applique à notre avis à toute épreuve projective. Pour notre part le Rorschach nous a toujours paru beaucoup plus utilisable dans la clinique des enfants de niveau pré-élémentaire et élémentaire.

734.

Le lien est un processus dynamique, c’est pourquoi nous insistons sur les mouvements. Pour l’exprimer simplement c’est dans l’aller-retour (régression progression) que se construisent les liens intra psychiques.

735.

L’école parisienne des méthodes projectives qui a des liens avec l’école psychosomatique - l’IPSO-, insiste à sa suite sur la perméabilité du Préconscient. (Parmi ces psychologues passeurs un psychologue scolaire ne peut manquer d’évoquer R. Debray, responsable de la formation des psychologues scolaires à Paris, qui sur le sujet qui nous concerne ici avait notamment publié une grille de dépouillement du TAT pour les enfants).

736.

Par exemple, la Kleksographie dont s’inspira Rorschach était d’abord un jeu de société.

737.

Sur les rapports imagination créatrice-projection, nous ne pouvons manquer de citer ici Léonard de Vinci, Carnets, II, p.247 : « Façon de stimuler et d'éveiller l'intellect pour des inventions diverses. Si tu regardes des murs barbouillés de taches ou faits de pierres d'espèces différentes, et qu'il te faille imaginer quelques scènes, tu y verras des paysages variés, des montagnes, fleuves, rochers, arbres, plaines, grandes vallées et divers groupes de collines. Tu y découvrira aussi des combats et figures d'un mouvement rapide, d'étranges airs de visage, et des costumes exotiques et une infinité de choses que tu pourras ramener à des formes distinctes et bien conçues.” Paris, Gallimard, 1942.

738.

On peut voir le matériel du test projectif comme un objet transitionnel à la fois externe et interne, entre perception et imagination.

739.

Anzieu, 1961, p.340 de l’édition de 1987.

740.

Ajoutons que l’utilisation des épreuves projectives est d’autant plus utile avec les enfants qu’elles fournissent un étayage nécessaire à l’expression de son fonctionnement psychique. L’enfant n’a souvent rien à dire et si l’on veut observer sa dynamique psychique, il faut introduire des objets médiateurs : épreuves projectives, dessins, jouets, histoires construites en commun.

741.

Elle témoigne de la perméabilité du moi, donc de sa capacité d’intégration et de représentation de l’ensemble de la personnalité « Une « bonne » lisibilité témoigne d’une secondarisation effective sous-tendue par un travail de liaison opérant entre représentations et affects, ce qui suppose un jeu des instances à la fois souple et élaboré » Anzieu-Chabert, p. 170.

742.

Ou de situation. On peut installer une «situation projective” sans recourir à l’utilisation de matériel spécialisé.

743.

Nous utilisons cette épreuve non dans l’objectif de mesurer grace à elle une quelconque vraie capacité de «raisonnement” du sujet” (nous avons critiqué ailleurs la notion de dysharmonie cognitive pensée à partir d’une différenciation entre intelligence et raisonnement. Voir notre article de 1994 : «Des dysharmonies cognitives pathologiques”), mais pour les situations différentes et inter-actives que ce matériel permet de proposer.

744.

On sait que contrairement à ce que pensait Piaget les acquisitions opératoires dépendent aussi des apprentissages scolaires.

745.

Cet examen assez approfondi du protocole que nous entamons ici n’est pas absolument nécessaire à l’analyse et à l’appréciation du fonctionnement intellectuel dans ses mouvements tel que nous nous en fixons l’objectif en clinique scolaire «ordinaire”. Il n’est nécessaire qu’à l’établissement d’un diagnostic psychopathologique. C’est pourquoi certains pensent que les épreuves projectives n’ont leur place qu’en pédo-psychiatrie. Il n’en reste pas moins que, hors recherche d’un diagnostic précis et étayé, l’utilisation de ces épreuves même exploitées sommairement, fournit trés rapidement une vue sur le fonctionnement intra et inter psychique, sa mobilité ou sa rigidité.

746.

Depuis très longtemps les psychologues avaient repéré l'importance des G combinés (Gz) comme évaluation de la capacité d'élaboration intellectuelle du sujet. La capacité de relier des éléments éloignés a en effet toujours été considérée comme un des aspects de l'intelligence.

747.

Selon A. Green : «toute névrose obsessionnelle est greffée sur un noyau d’hystérie dont l’évaluation signe les liens de l’obsessionnel à la génitalité” («Le discours vivant”, Paris, PUF, 1973, p.154). Nous dirions autrement que le degré d’hystérisation ou d’obsessionnalisation représentent les deux pôles de la folie créatrice ou de l’automatisme répétitif. Ce noyau hystérique est trés perceptible chez Nina.

748.

Toute névrose se constitue sur des défaillances plus anciennes. Chez les enfants d’âge scolaire, les signes de souffrance narcissique, la persistance d’images maternelles inquiétantes sont présentes même dans des organisations névrotiques organisées. C’est pourquoi il est dangereux d’importer en psychopathologie infantile des catégories nées de la nosographie des adultes. Il ne nous paraît pas souhaitable de retenir en psychopathologie infantile la dichotomisation des inhibitions qui fait florès en psychopathologie adulte (qui conduit par exemple C. Chabert à reprocher à R. Schaffer de ne pas distinguer les inhibitions névrotiques des formens de restriction du fonctionnement mental plus invalidantes, «sans conflictualisation psychique”; personnellement j’ai du mal à «penser” un fonctionnement mental «non-conflictualisé”; rigidifié, chosifié, arc-bouté sur des défenses archaïques oui ; la psychologie existe-t-elle sans un point de vue dynamique?).

749.

Epreuve reprise avec les «âges de la vie” dans la feuille projective, F.P. 60, mise au point par les psychologues scolaires de l’Isère. On demande à l’enfant quel animal il aimerait être (ou pas) ou quel age de la vie il choisirait si une fée, pouvait le tranformer d’un coup de baguette magique.