Remarque sur la restitution du Q.I..

Ici se pose la question de ce que l’on peut dire, tout particulièrement lorsqu’un bilan intellectuel a été pratiqué, ce qui est souvent le cas en psychologie scolaire, de la restitution du Q.I..aux parents - voire aux autres intervenants-. Beaucoup refusent de le donner 795 . Mais si l’on garde une information d’une telle importance par-devers soi, peut-on prétendre que c’est pour protéger la personne, alors que de fait on la traite comme un être mineur. C’est déjà promouvoir l’autonomie de la personne que de lui restituer ces éléments 796 . Le tout est de les expliciter dans un langage adapté. Ce qu’a prévu le code de déontologie dans son article 12 qui dit que ‘«’ ‘ les intéressés ont le droit d'obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant ’» et demande au psychologue de présenter ses conclusions en fonction de ses interlocuteurs, de faire état des méthodes et outils sur lesquels ils les fonde, et de s’assurer de leur compréhension. Trop de psychologues encore une fois, au nom d'une position de surplomb arc-boutée sur ce postulat contestable qu'ils connaîtraient mieux que leurs interlocuteurs où se trouve leur propre intérêt, refusent d'exprimer clairement les résultats des tests. 797

Il faut être honnête avec soi-même : ou bien l'on pense que le QI est foncièrement nocif, quelle que soit la demande et/ou la situation, et dans ce cas-là on doit refuser de faire le test, ou bien l'on considère que pour le sujet concerné et dans la situation où il se trouve, il apporte un élément important d'évaluation de sa situation, utile à la mise en place d’un projet adapté, et dans ce cas on fait passer les épreuves correspondantes, et l’on accompagne la restitution des résultats d'aussi longs commentaires qu’il sera souhaitable, soulignant son intérêt et ses limites.

Ici on objecte habituellement que, quelque commentaire qu’on fasse aux parents, aux enseignants, aux membres des commissions spécialisées, seul le Q.I. brut sera retenu. C’est une question qui peut ouvrir à des spéculations sans fin que celle de ce qui est compris et retenu dans une restitution de bilan psychologique. Mais par comparaison on peut prendre l’exemple des examens médicaux . Ils ne sont pas moins difficiles à comprendre, et pourtant leur restitution est maintenant une obligation 798 . Or qui mieux qu’un psychologue devrait être capable d’accompagner et d’éclairer la restitution de sa propre évaluation ? C'est notre travail que de nous faire comprendre et d’aider le sujet à se comprendre ; nous sommes supposés y avoir quelque compétence. Si l’on pense que le Q.I. est un élément d’appréciation utile quant au niveau de fonctionnement intellectuel, mais qu’il est trop réducteur, alors il faut le rendre vivant en montrant à quel type de tâche intellectuelle il correspond. Dans le but pratique d'être compris on ne doit pas hésiter à le traduire systématiquement, en soulignant tel ou tel des éléments qui ont conduit à ce résultat global, par exemple telle difficulté en vocabulaire ou en arithmétique. Les mêmes parents qui refuseraient le Q.I. peuvent entendre, et même confirmer les difficultés de leur enfant avec le langage, avec l’arithmétique, avec le graphisme etc.. par rapport aux autres enfants du même âge, au voisin, au cousin. On peut leur donner des exemples de ces échecs, exemples paradigmatiques et éclairants, qu'ils reconnaîtront eux-mêmes pour les avoir rencontrés en aidant scolairement leur enfant.

Enfin on ne se limitera pas qu’au Q.I., surtout s’il est mauvais, mais on leur montrera leur enfant dans d’autres tâches plus créatives, en leur faisant voir comment il a organisé son dessin, ou comment il a su construire une histoire suffisamment riche et vivante.

Notes
795.

Sur ce point on lira avec intérêt l'article de Marie-Ange Chabert : «  Restitution et compte-rendu du bilan psychologique », dans le « Journal des psychologues », nº 186, avril 2001.

796.

Prenons l’exemple de la situation thérapeutique, qui n’est pas celle du psychologue scolaire, mais qui ne peut non plus en être disjointe. Elle peut être comprise selon deux modèles, en fait deux extrêmes. Dans la relation paternaliste le soignant est investi d'une mission protectrice et sait pour et à la place du patient ce qui lui convient le mieux. Et puis il y a la relation égalitariste inspiré de la conception libérale du contrat commercial. On doit donner toute information au patient pour rétablir l’égalité avec le médecin. Dans la réalité la pratique se situe en tension entre ces deux relations. Le malade en demandant qu’on l’aide se place bien de fait dans une situation d’infériorité et de dépendance. Mais cette relation évolue. L’objectif est que le malade se réapproprie le projet de soin. (Il vaudrait d’ailleurs mieux penser cette relation en termes d'alliance thérapeutique).

797.

Certains psychologues refusent de porter sur le document destiné aux commissions spécialisées ( la feuille de couleur verte) autre chose que leurs conclusions, refusant de les étayer des résultats qui les ont pourtant conduits là. Or les textes administratifs donnent par exemple au QI la valeur d'un élément important d’orientation. On peut en relativiser la valeur, prendre en compte d'autres éléments comme l'autonomie sociale, reste que tant que les différents établissements définiront leur projet éducatif à partir d'éléments où le QI joue un rôle important, et tant que la loi confirmera cette valeur, les psychologues consultés devront fournir cet élément d'appréciation, accompagné évidemment d'autant de commentaires explicatifs, correctifs ou critiques qu'il leur plaira. En refusant de fournir de tels éléments d’appréciation, ces psychologues supposent donc qu'eux seuls peuvent détenir, comprendre et utiliser les éléments étayant leur jugement. En cette matière pourtant, humaine et donc forcément complexe, nul ne peut prétendre détenir la vérité, ni retenir pour éviter de les soumettre à une discussion claire, ces éléments. Sur ce point également le code de déontologie est clair. Outre l’article cité plus haut, l’article 5 précise que « les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée de leur fondement théorique et de leur construction » et que « Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l'objet d'un débat contradictoire des professionnels entre eux ».

798.

La loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ainsi que l’arrêt de la Cour de Cassation du 14 Octobre 1997, font obligation au médecin d’informer activement le malade. Même si le psychologue scolaire n’opère pas dans un cadre de soins, a fortiori dirions-nous, doit-il informer son interlocuteur. D’autant que cette obligation qui fait partie du cadre éthique et psychologique de sa relation, est une des condition de son efficacité (opératoire).