Beaucoup de choses que nous avons dites à propos de la restitution aux parents se retrouveraient ici. Les pessimistes nous accuseront de nous leurrer là aussi. Les enseignants qui signalent, disent-ils, ne sont pas capables d’entendre autre chose que ce qu’ils pensaient préalablement, et qui est généralement négatif pour l’enfant, rien de ce qui pourrait ébranler leurs certitudes, leurs routines ou leur narcissisme. Cela arrive en effet. Cependant même les plus fermés ont tout de même pris le risque, et la peine, d’ouvrir quelque chose. Après tout, il leur était bien plus facile de ne rien faire et de ne rien demander. Leur demande même les place dans le risque d’avoir à se questionner, et de changer. Et puis certains ont peut-être un désir de changer inconnu d’eux-mêmes. Ils ont simplement besoin que cela leur soit dit par quelqu’un d’autre, de s’y sentir obligés. Quant aux plus rigides d’entre eux, pourquoi ne pas parier que ces rencontres laisseront quelques traces susceptibles, un jour, de les faire changer ? 799
Pas plus qu’avec les parents, la restitution à l’enseignant ne peut se réduire à la lecture d'un simple compte-rendu. On ne vient pas rendre compte, voire rendre des comptes. La restitution s'inscrit dans un processus. On part le plus souvent des questions posées par l’enseignant. La restitution prend la forme d’un dialogue où, en échangeant les rôles, on va ajuster progressivement questions et réponses. Il y a les enseignants qu'on connaît bien avec lesquels on a l’habitude de travailler. Il sera plus facile alors de retenir ou de mettre en évidence les éléments qui permettront un dialogue constructif, une élaboration mentale en commun du projet adapté à l‘enfant. Mais même avec un enseignant que l'on connaît peu la restitution n'est jamais un compte-rendu, mais un échange qui a besoin d'un temps suffisant pour qu'on puisse s’assurer de ce qui a été entendu, et de ce que cela va mettre en route. Dans cet échange les éléments apportés à propos de l'enfant doivent faire apparaître son potentiel psychique, les capacités dynamiques de son intelligence, et pas seulement scolaire. Tel doit être le principe directeur à la fois pratique et éthique de ces échanges. Mais évidemment dans la mesure où ce qui compte c'est le travail psychique de l'enseignant, il nous en échappera toujours quelque chose.
Dans ces moments, avec l’enfant, avec les parents, avec les enseignants, le psychologue poursuit son rôle de médiateur en amenant chacun à mieux se comprendre et à mieux comprendre la situation. Médiateur entre l'enfant et l'institution, entre l'enseignant et les parents, entre les parents et l'enfant, médiateur et pédagogue au niveau des informations objectives, le psychologue doit l’être, tant il y a parfois de méconnaissance, de malentendus, d'incompréhensions envers l'école. Cette place d'interface est difficile à tenir, chacun tendant à l'utiliser à son profit, mais c’est elle qui donne toute son importance à son rôle. Médiateur et pédagogue le psychologue scolaire est, osons le dire, bel et bien placé dans un rôle de moi auxiliaire.
C’est toujours et encore le pari sur la capacité de l’autre à changer. Il me paraît difficile d’être psychologue sans croire à cette capacité en chacun.