Remarque sur les comptes-rendus écrits.

La restitution peut-elle, ou doit-elle, comporter la remise d’un compte-rendu écrit qui éviterait justement que l’on ne retienne que ce que l’on veut bien. Cela n’est pas toujours nécessaire. Il faut déjà qu’il soit demandé par les parents. Il répond alors à l’obligation d’information.

Force est de constater que les psychologues, peut-être gagnés à l’universelle vertu de la parole, éprouvent de la réticence envers l’écrit. Or l’écrit a sa place dans la relation du psychologue avec ses interlocuteurs, et pas seulement pour la restitution d’une évaluation. A un moment stratégique, il vient ponctuer l’évolution ou le blocage de la relation. C’est le plus souvent à la fin, lorsqu’il est nécessaire de fixer un positionnement à un moment donné, un point fait 800 . L’écrit joue un rôle pragmatique spécifique.

Un exemple rapide. J'ai reçu Kris avec toute sa famille à la demande de sa maman 801 . Les deux femmes, la grande sœur et la mère, se plaignent du jeune adolescent qui se comporte de façon insupportable à la maison. C’est surtout la mère qui parle, cherchant à démontrer l’excellence de ses compétences éducatives (elle fut puéricultrice avant d’arrêter pour s’occuper de ses enfants). Le père intervient peu, il est très pris par son travail de patron d’un hôtel. Il a des idées simples sur l’éducation. Pour lui, la mère et la grande sœur récoltent ce qu’elles ont semé. Si elles le laissaient intervenir, il n'y aurait plus de problème. «  Un bon coup de pied au cul n'a jamais fait de mal à personne ». Pour la mère il n'est pas question de le faire intervenir, justement parce qu'il serait trop violent.
Je ne vais pas m'étendre longuement sur le détail des échanges qui ont duré une heure et demi. Ce qui m’a frappé cependant, et que je voudrais mentionner ici, c'est que pendant que la mère parlait et développait ses hypothèses sur les raisons psychologiques supposées du comportement de son fils et ses interrogations sur son besoin d’un suivi psychothérapique, (mais on découvrait alors qu’il y avait eu plusieurs essais tous rapidement interrompus par la mère), le père et le fils communiquaient à grands coups de coude dans les côtes. Visiblement c’était, dans la façon même,
« virile”, une manière de faire alliance contre elle. Bref l’entretien se termine et nous convenons que je reverrais Kris tout seul. Mais la veille de ce rendez-vous la mère téléphone pour décommander son fils, en disant que tout compte fait, elle ne pense pas trouver avec moi ce qu’elle était venue chercher, et elle me demande l’adresse d’un psychothérapeute familial.
Voilà un cas exemplaire où il me paraît nécessaire d’adresser un écrit à la famille. Il sera pour l’essentiel un résumé bref de ce qui s’est passé. Il ne s’agit pas d’interpréter le comportement de la mère qui est sans doute suffisamment clair, même pour elle. Dès qu’elle a le sentiment que la situation risque de lui échapper elle coupe les ponts pour reprendre l’initiative . Je rappelle la demande, indique les recours possibles - qui tous impliquent, sans que je le dise- de remettre le père à sa place-, et les assure que je reste à leur disposition, communiquant même à Kris un numéro de téléphone où il peut me joindre.
Notes
800.

Ponctuer, c’est ainsi faire le point, comme pour un navire en mer.

801.

J’ai reçu cette famille non dans le cadre de mon travail de psychologue scolaire, mais à l’occasion d’actions de soutien à la parentalité menées dans un cadre associatif.