Justification de la psychologie.

«   Arraché à la nature, doué de raison et d'imagination, l'homme éprouve le besoin de se former sa propre représentation, de dire et de penser : « je suis moi. ». Il n’est pas vécu passivement, mais au contraire vivant et actif”. E. Fromm 916

Ainsi donc, dans les années soixante-soixante-dix, les intellectuels qui dictaient les pensées du jour, défenseurs des concepts et des coupures, adorateurs des structures et des déterminismes qui nous manœuvrent, ont exclu la psychologie, ce savoir incertain et douteux, de l’empyrée des sciences «positives”. Enfin d’une certaine conception des sciences, non celle des scientifiques concrets, qui pendant ce temps expérimentaient dans les laboratoires, et ne dogmatisaient pas sur la place publique.

Nous pensons avoir montré que, pour n’être pas calquées sur le modèle des systèmes déductifs auto-engendrés et axiomatisables, pour ne pas non plus répondre aux critères d’expérimentation et de mathématisation, les sciences humaines n’en sont pas moins des sciences, capable de dégager des propositions universellement acceptables. D’ailleurs, même les sciences abstraites, les plus éloignées de la complexité des affaires humaines, changent et se rapprochent ces sciences humaines qui mélangent inextricablement les déterminations et l’aléatoire. C’est du moins ce qu’affirme un prix Nobel de chimie comme Prigogine. Préoccupées de plus en plus par le local, conduites à étudier de plus en plus le flou, le chaos, l’indéterminé, elles sont amenées à s’éloigner du positivisme. Dans ces conditions la coupure tracée par certains entre sciences dures et sciences humaines devient de moins en moins argumentable.

L’idée même des coupures et des frontières semble changer. Nous pensons aujourd’hui les frontières non selon l’angle de la rupture, mais sous celui des passages, des interfaces complexes. La philosophie elle-même semble aussi abandonner le dangereux territoire des systèmes et de la purification conceptuelle, pour revenir à des questions plus modestes, des préoccupations plus localisées. Elle devient plus pragmatique, empirique et éclectique. Les questions éthiques sont passées au premier plan de la réflexion. 917

Notes
916.

Cité par A. Laurent, «L’individu et ses ennemis”, Paris, Hachette, 1987, p.400.

917.

Rappelons par exemple la phrase d’E Lévinas dans «Totalité et infini”: «La philosophie première est une éthique”.