L’objet dont s’occupe la psychologie, ce n’est pas un objet «naturel”, c’est «le penser”. Elle s’en occupe pour le comprendre -l’observer ou l’étudier-, ou pour en prendre soin -l’étayer ou le vivifier-; mais il est difficile, et même dangereux, de prétendre couper l’une de l’autre ces deux approches, celle de l’observation, et celle de l’intervention. Cet objet les neurosciences, l’intelligence artificielle, ou la sociologie l’étudient aussi à leur façon, mais comme un objet mort. La psychologie n’est vraiment elle-même, n’est psychologie, qu’au moment où elle se confronte au penser en acte. En d’autres termes, elle n’est elle-même qu’au moment où elle prête 921 , aussi bien dans son travail d’étude que dans ses opérations d’étayage, des intentions au sujet concret. Même quand un comportement parait n’avoir aucun sens, il faut essayer, avec prudence 922 , de trouver ou de retrouver à quelle intention, peut-être inconnue de lui, il répond. C’est d’ailleurs le postulat, peut-être inné dans ses bases, qui fonde la psychologie naturelle. Très précocement l’enfant est capable de comprendre les intentions d’autrui 923 et d’interpréter son comportement sur cette base. La psychologie naturelle compréhensive et interprétative, donc déjà clinique, constitue ainsi le langage de base de toutes les psychologies y compris de la psychologie scientifique. Si les sciences cognitives voulaient bien abandonner leur prétention d’éliminer la psychologie en la naturalisant, le dialogue dans une langue commune devrait donc être possible. Il est d’ailleurs beaucoup plus fréquent qu’il n’apparaît. C’est en tout cas dans le refus des coupures entre chercheurs de laboratoire et praticiens du terrain, et par leur colloque, que la psychologie pourra progresser. 924
A entendre dans les deux sens, propre et figuré : attribuer et mettre à disposition.
Avec prudence, parce qu’on doit éviter l’attribution sauvage d’intentions cachées. C’est un travail à faire à deux.
Ce qui ne veut pas dire qu’il ne puisse se tromper, ni être trompé. Mais c’est sur cette base de compréhension que s’établit la relation humaine, et, en général, ça marche. La reconnaissance du mensonge et de la tromperie implique même l’intentionnalité.
Sur le terrain, le praticien, nous l’avons dit, fait dialoguer tous ces savoirs, ceux de la recherche scientifique, ceux de la psychologie naturelle, ceux de la psychanalyse, et au delà de la psychologie sociale, de la sociologie, etc. .