Epilogue
Où l’auteur rêve d’espaces psychiques,
de frontières, de réseaux, et de rencontres

«  Ayant donc formé le projet de décrire l’état habituel de mon âme dans la plus étrange position où se puisse jamais trouver un mortel, je n’ai vu nulle manière plus simple et plus sûre d’exécuter cette entreprise que de tenir un registre fidèle de mes promenades solitaires et de mes rêveries qui les remplissent quand je laisse ma tête entièrement libre et mes idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne »
Jean-Jacques Rousseau
«  Rêveries du promeneur solitaire », Deuxième promenade 940

En quête de métaphores pour penser et rêver à la fois une psychologie selon ses vœux, psychologie des passages, des frontières poreuses, mais aussi psychologie pour notre monde de réseaux et d’espaces virtuels, l’auteur a tourné son regard vers le passé, et par delà deux siècles de positivisme, a cherché, dans l’ Europe d’alors, une Europe assez unifiée par une culture et une langue commune, des modèles ou des images qui pourrait soutenir cette fabulation.

Il y eut la Contre-Réforme, par elle l’explosion du baroque 941 , et un esprit dont la pensée fait retour aujourd’hui, sans doute parce qu’elle convient parfaitement à l’ère de l’Internet, le penseur de l’espace en réseau et des monades isolées, Leibniz 942 . L’Europe s’enchanta d’espaces ondés. Et puis, l’esprit de la contre-réforme ayant fait son temps, vinrent les Lumières qui firent émerger de nouvelles pensées. Le temps de leur rayonnement, elles illuminèrent l’espace européen d’un feu d’artifice de créativité, une nouvelle Renaissance des Arts, des Sciences et des Lettres. Un temps l’homme avait retrouvé le juste point de la créativité, un équilibre entre la raison et le sentiment. 943 Au bout du siècle XVIII ces pensées se sclérosèrent en nationalismes vite meurtriers 944 .

Notes
940.

Imprimerie Nationale, p. 65.

941.

La nouvelle Rome. La Contre réforme c’est certes la répression (Inquisition, dragonnades) contre les Réformés ; mais c’est aussi une réforme de l’Eglise par des papes éclairé et l’extraordinaire explosion créative de l’art baroque.

942.

Leibniz est aussi le penseur des dynamiques. Voir «Le pli. Leibniz et le baroque” de G. Deleuze.

943.

Nous avons eu un temps l’ambition de réfléchir sur la Renaissance et l’humanisme, sur l’antagonisme entre Erasme (premier artisan de l’entente européenne écrivait S. Zweig ) et Luther, sur Montaigne, son opposition aux systèmes, et sa conception du moi, mais cela nous aurait relancé trop loin et pour trop longtemps.

944.

L’on ne peut éviter de se demander si les Lumières sont pour quelque chose dans l’apparition des impérialismes nationaux, et des guerres meurtrières qui s’ensuivront. Mais avant la Terreur et l’Empire, les Lumières furent une période extraordinairement inventive.