Baroque, Lumières et Jeux

Bien que les Lumières soient présentées ordinairement comme une réaction d’opposition aux valeurs religieuses et politiques qui avaient porté le Baroque, nous n’en croyons pas moins percevoir entre les deux une continuité d’esprit perceptible dans un même plaisir ludique à jouer des illusions. Il n’y a d’ailleurs pas tant du point de vue esthétique, que du point de vue philosophique de rupture entre les deux.

Le goût artistique du XVIIIéme perpétue quelque chose de l’esprit baroque, comme le rococo le révèle. Certes les Lumières mettront l’accent sur la raison comme le Baroque avait fait pour le sentiment religieux. Mais on trouve chez l’une et l’autre le même plaisir pour les jeux d’esprit que leur esthétique révèle. L’inspiration religieuse du Baroque ne l’a pas enfermé dans le sévère, nous l’avons vu. L’architecture ou le trompe l’œil nous élèvent mais avec le sourire. De la même façon l’attrait de la rationalité n’a pas conduit les Lumières à la rigueur. S’il y a un siècle qui aime jouer c’est bien le XVIIIème, siècle de la frivolité et de la fascination pour les illusions. C’est l’époque où se développe l’Illuminisme et où le trompe l’œil atteint son apogée.

Du point de vue de ce que nous appelons aujourd’hui le « fonctionnement psychologique », il y a une vraie continuité entre ces deux époques de l’esprit. D’ailleurs la considération du rôle et de la place de Leibniz, vient renforcer l’idée d’une absence de coupure. La Monadologie, écrite en français, et parue après la mort de ce savant universel -et Rose-Croix-, est un des textes qui ont inspiré les Lumières. 985 Leibniz par ses livres et par sa personne est le parrain du projet encyclopédique ( et quand, par exemple, Diderot rédige l’article « Encyclopédie », c’est sans aucun doute Leibniz qui l’inspire : il faut « tout remuer », dit-il).

Notes
985.

C’est le lieu de rappeler que la pensée autrichienne, et Freud par exemple, fut plus marquée par l’empreinte de Leibniz que par celle de Kant.