Chapitre I.2. L'actualité d'un concept

I.21/ DETOUR HISTORIQUE

Génèse

Selon C. DUBAR 15 :

‘"Pendant tout le XIXème siècle, les problèmes de formation professionnelle sont inséparables de ceux de la scolarisation… mais, à la fin du siècle, alors que l'analphabétisme est pratiquement vaincu, la grande majorité des ouvriers et des paysans, en France, n'a droit à aucune formation professionnelle, ni initiale, ni continue. Il faudra attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour voir s'instaurer une législation pour la formation initiale et les années soixante-dix pour une réglementation et une diffusion effective de la formation continue".’

Cette transformation a revêtu plusieurs formes :

  • Thématique, tout d'abord, qui a vu l'idée d'éducation permanente des années soixante-dix sacraliser les notions de développement personnel, économique et social, aux conceptions récentes liées aux thématiques de prévention économique et sociale… (on citera plus explicitement les termes de compétences, d'employabilité, de flexibilité, voire d'exclusion) ;
  • Expansionniste, ensuite, car la formation se diffusait dans l'ensemble des champs de la vie professionnelle et de la vie privée, dans toutes les entreprises (de toutes tailles), dans tous les secteurs (répondant ainsi aux problématiques plus vastes liées au travail, à l'insertion, à l'employabilité) ;
  • Protéiforme, enfin, avec la notion de formation ouverte qui "foulait au pieds" la sacro-sainte loi des trois unités (du théâtre classique), du "drame pédagogique conventionnel" : unité de lieu, de temps, d'action.

Les apports successifs des télécommunications, de l'informatique ouvrent à la formation des territoires nouveaux, que reflètent les Centres Ressources, les médiathèques, mais aussi les ateliers pédagogiques personnalisés, les réseaux d'échanges réciproques de savoirs. Bref, les champs de la formation s'ouvrent vers l'extérieur. On voit ainsi poindre les éléments suivants :

  • grande facilité d'accès aux savoirs, aux programmes, aux contacts
  • souplesse et vigilance portées à l'accueil
  • autonomisation des apprenants (ou des sujets apprenants)
  • recherche absolue des gains de productivité pédagogique
  • démultiplication des temps et des lieux d'apprentissage
  • maillage des réseaux humains…

Ces nouvelles exigences bouleversent le rapport aux savoirs, tant pour les sujets apprenants que pour les formateurs, qui voient leurs fonctions s'amender, se transformer, prendre d'autres aspects. Se pose alors, pour eux, la question de l'exercice de leurs pratiques professionnelles.

Rappelons à ce stade les grands courants qui ont été influencés par les différentes conceptions de l'apprentissage. On trouve donc des courants qui mettent l'accent sur l'environnement et l'action pédagogique ou sur l'interaction maître-élève et enfin, celui que nous retiendrons, concernant l'apprenant (ses attitudes, ses motivations, son développement).

Le courant de l'Ecole Nouvelle insiste fortement sur l'autonomie de l'élève et sur la spécificité de l'enfant par rapport à l'adulte. CLAPAREDE critique l'enseignement traditionnel, qui consiste à prescrire : "du dehors ce que l'enfant doit apprendre, sans s'occuper s'il le peut, si le programme établi est conforme à ses aptitudes, à son degré de développement" 16 .

Le rôle de l'enseignement se limite à aider l'enfant à se construire lui-même en lui fournissant les moyens d'agir, d'observer, d'expérimenter. MONTESSORI a préconisé la situation suivante : "le maître sans chaire, sans autorité, presque sans enseignement, et l'enfant devenu le centre de l'activité, qui apprend tout seul, libre dans le choix de ses occupations et de ses mouvements" 17 . Il faut adapter l'école à l'enfant, et non l'inverse, ce qui peut se faire soit individuellement (CLAPAREDE, MONTESSORI), soit collectivement (COUSINET, FREINET), soit encore de manière mixte (DECROLY) 18

Le courant de l'Ecole Nouvelle a profondément modifié le regard porté sur l'enfant en lui accordant une nouvelle dignité. Il prête néanmoins le flanc à certaines critiques, la principale étant d'avoir une vision trop optimiste de l'enfant. Comme le fait remarquer NOT, entre la curiosité, "quête de stimulations gratuites… et l'investigation cognitive proprement dite, il y a toute la distance qui sépare l'inspection errante du curieux et l'analyse structurée du chercheur" 19 . On constate d'ailleurs que, dans la pratique, ces méthodes accordent généralement un rôle non négligeable au maître.

Le courant non directif, s'appuyant sur la pensée et les travaux de ROGERS 20 , pose que tout apprentissage profond résulte d'une expérience personnelle. L'enseignement ne peut avoir que des résultats superficiels et risque de faire perdre à l'enseigné la confiance en son expérience propre et en ses capacités d'apprendre. Le formateur ne peut être qu'un facilitateur, qui accompagne la personne dans sa démarche de formation et l'aide à atteindre les objectifs qu'elle s'est elle-même fixés, en lui proposant un cadre d'apprentissage pertinent.

Notes
15.

DUBAR C. – La formation professionnelle continue – La découverte – p.11 (1996)

16.

CLAPAREDE Edouard - L'éducation fonctionnelle – Neuchatel, Delachaux et Niestlé, p.94 (1968)

17.

MONTESSORI Maria – L'enfant – Caluire Gonthier – p.83 (1964)

18.

COUSINET Roger – Pionnier français du mouvement de l'éducation nouvelle – 1881/1973 – Fondateur de la pédagogie par groupe

FREINET Célestin – Pédagogue français 1896/1966 – Fondateur de la coopérative de l'enseignement laïc

DECROLY Ovide – Médecin et psychologue belge 1871/1932 – A préconisé une méthode globale d'apprentissage de la lecture

19.

NOT Louis – Les pédagogies de la connaissance – Privat – p. 148 (1988)

20.

ROGERS Carl – Développement de la personne – Bordas (1968)