INTERROGATIONS DIDACTIQUES

Les didactiques concernent l'art ou la manière d'enseigner les notions propres à chaque discipline et même certaines difficultés propres à un domaine dans une discipline. On rencontre couramment deux discours qui semblent osciller entre deux choix de formations, celui du "savoir" ou celui de "l'expérience".

Celui-ci ne résout pas la question de l'action : même s'il y a science, on peut savoir en théorie et ne pas savoir décider dans les cas pratiques. En ce qui nous concerne, certains formateurs ont appris la science de la négociation mais éprouvent des difficultés quant aux situations d'apprentissage en simulation ou en réel. Certains n'ont même jamais eu affaire à un client.

Celui-là n'assure pas nécessairement une expérience avisée et ne donne pas d'indépendance : on répète les erreurs de chacun, on se conforme à ce que font tous les autres. Il s'agit d'une expérience limitée. Ce qui n'est pas encore pensé, ce sont à la fois la nature de la théorie et les caractéristiques de l'expérience.

Se pose alors la question d'un trait d'union ou d'une articulation entre ces deux éléments. Comment relier SAVOIR et EXPERIENCE ? Doit-on commencer une leçon, organiser un travail, effectuer un exercice et trouver leur articulation ?

L'opération est à la fois banale et complexe : elle est appréciation de la pertinence d'une action, savoir du moment juste où ne plus tergiverser, elle est intelligence de l'infiniment variable, capacité à trancher de façon avisée, comme quelqu'un qui a justement du jugement. Ce dernier est précisément ce qui opère la relation entre le général de la théorie connue et le singulier des situations rencontrées. C'est la valeur ajoutée du formateur, dont on attend que la décision soit juste et comprise comme telle. Que doit apprécier ce jugement, de quoi doit-il décider ?

D'une action efficace sans doute : les problèmes qu'on rencontre dans le groupe sont réputés pratiques et une action appropriée est la marque du professionnel de la formation. Or, la pratique appelle la réflexion sur l'efficacité des moyens mais aussi sur les buts et les fins en vue desquels ils sont employés. Elle appelle une réflexion plus large sur leurs sens et leurs effets et une autre, plus fine, sur le caractère judicieux de leur emploi. Si le travail en groupe pose des problèmes techniques, il n'en demeure pas moins une question sur la légitimité et sur la décision. Par exemple, est-il juste d'exiger la prise de parole, le débat ou l'analyse chaque fois que cela s'impose ? Cela fait-il avancer une partie du programme et cela paraît-il judicieux pour l'équilibre du groupe ?

L'idée du jugement pédagogique qui ordonne la pédagogie de la recherche du juste, permet de comprendre que les didactiques sont l'expression de la recherche d'une justesse dans ce qui est dit et fait auprès des stagiaires en fonction des contenus à distiller.

L'autorité du formateur est là suspendue à sa compétence. Le souci didactique ne se préoccuperait alors pas tant de la conduite du groupe que de la conception d'une intervention ou d'un exercice, lesquels sont d'abord pensés dans une progression. Il y faut encore du jugement, qui apprécie la justesse de ce qu'on dit, eu égard au souci pédagogique d'être compris de chacun dans le groupe et au souci scientifique de transmettre correctement, fidèlement, un savoir c'est-à-dire selon l'exercice qui lui est propre.

Il ne s'agit pas seulement d'expliquer les termes exacts, d'en donner l'équivalent en des formulations ou des paraphrases, des images parfois, des illustrations et des exercices justes.

Il convient de rendre compréhensible ce qui est derrière les mots et de traduire le sens, eu égard à une application professionnelle. Il s'agira de contextualiser le plus souvent possible et d'en tirer des applications justes.

Selon VERGNAUD :

‘"il faut écarter tout schéma réductionniste : la didactique n'est réductible ni à la connaissance d'une discipline, ni à la psychologie, ni à la pédagogie, ni à l'histoire, ni à l'épistémologie." 26

Pour définir la spécificité de la problématique didactique, la forme structurelle du "triangle" a été pendant toute une période un moyen commode de présentation. Elle semble passée de mode d'autant que les questions d'apprentissage ne sauraient se ramener au schéma simple de trois pôles : un émetteur, des récepteurs et un savoir.

L'analyse précise de ces pôles ne fait pas proprement partie de la didactique :

Si ces trois pôles définissent un triangle, la didactique va s'intéresser aux trois côtés de ce triangle, aux relations entre les pôles.

Il a à "décontextualiser" ses savoirs pour les "recontextualiser" en fonction du niveau des stagiaires, mais aussi de ses choix méthodologiques et des objectifs spécifiques.

Notes
26.

VERGNAUD G. – Table ronde Paris 1977.