Situation gachette

Le thème de la personnalisation se situe au carrefour de différents enjeux concernant les systèmes éducatifs des pays développés. La massification amène un public de plus en plus large et hétérogène. Tenir compte de cette hétérogénéité et la gérer impliquent de mettre en place des systèmes de formation plus souples, pratiquant la reconnaissance et le renforcement, pour mieux prendre en compte les individus en formation. Cela impose une transformation, une mutation importante tout autant des attitudes des futurs formateurs que du dispositif formation. Il s'agit bien d'une nouvelle modalité de gestion, d'organisation et de conception des apprentissages, qui élargit considérablement le champ d'intervention des formateurs. Elle représente une entreprise frontière entre le monde des organisations avec ses chartes, ses lois, ses règlements… et les réseaux d'individus.

L'extension du champ de fouille dépasse celle qui est ordinairement dévolue aux recherches didactiques et pédagogiques. On comprend tout de suite pourquoi celles-ci tiennent prioritairement à une quête de rationalisation du métier de formateur (que l'on aborde alors sous l'angle institutionnel d'un parcours ou sous l'angle théorique des savoirs), alors que l'approche par la personnalisation inclut, au-delà et en de-ça de la transférabilité, bien d'autres supports de sens : celui des gestes et des lieux autant que des mots et des images, des cérémonies autant que des contenus, de l'esthétique autant que du substrat.

Par exemple, lors d'une formation, faire en sorte qu'il y ait un véritable "rencontre" : on peut admettre que la rencontre ne soit pas nécessairement formatrice par elle-même. Elle peut d'ailleurs, de prime abord, être déformatrice, déformatice des formes antérieures à la rencontre, qui se trouve transformée par le fait même de se rencontrer, d'entrer en contact, en présence l'un de l'autre. C'est pourquoi, faire que cette transformation soir formatrice et non déformatrice, fonde la nécessité d'une pédagogie (certes de la rencontre) personnalisée pour actualiser au maximum le potentiel formateur de la transformation opérée.

‘"L'art de la relation avec l'autre est, en effet, l'art le plus spécifiquement humain. La philosophie est l'art de mettre l'homme en relation avec lui-même. Il faut se rendre autre à soi-même pour bien penser 27 ". ’

Le formateur de demain est celui qui s'efforce de penser l'autre, en général et en particulier.

L'idée de mettre en place une démarche liée à la personnalisation nous est apparue comme une évidence, au milieu des années 1990, devant le peu d'efficacité et de mesurabilité des programmes relatifs au renforcement de la pratique commerciale.

Ces derniers étaient conçus :

Force a été de constater les faits suivants :

à commencer par l'appellation même du "vendeur" : technico-commercial, ingénieur technico-commercial, responsable des ventes…, en passant par des mots différents pouvant recouvrir des contenus identiques : appréhension du client, découverte des besoins et des motivations d'achat, sondage de la zone d'intérêt réel, compréhension des mobiles d'achat, connaissance des marchés… Conséquence : la publication par l'AFNOR, en 1994, des appellations relatives à la fonction commerciale vint donc à point nommé pour remettre de l'ordre dans le maquis des 128 métiers liés à l'acte de vente.

On est en droit d'espérer que l'effort de concision dont elle témoigne (24 appellations) aura, à moyen terme, des effets positifs, en créant un dénominateur commun aux acteurs intervenants dans le domaine.

une panoplie de formulations des formations couvrant l'acte de vente dès l'entrée chez le client, en passant par la découverte et l'argu- mentation, pour terminer par la planification et le suivi des affaires. Quant au déroulé des séances, elles misaient moins sur les représentations du client que sur des simulations imposées par le formateur, qui imprimait de son expérience les rythmes d'acquisition des stagiaires. Cette approche, loin d'être personnalisée, était de nature empirique et faisait appel davantage à la séduction et au charisme de l'intervenant. En ce qui concerne les supports de cours, ils se calquaient sur les travaux effectués par Pierre RATAUD 28 , illustrés par l'exemple ci-après, ou par Lionel BELLENGER 29 .

‘"Qu'est-ce au juste, la référence dynamique ? C'est oser demander à un client ou à un prospect de nous faire de la publicité, de nous introduire chez ses propres relations d'affaires ou de nous aider à y parvenir…’ ‘… On peut comparer le résultat au rayonnement des ondes provoqué par la chute d'un petit caillou au milieu d'un lac. Les cercles s'élargissent, s'étendent à l'infini, à une condition : c'est lancer le petit caillou, avoir le geste initial qui déclenche la réaction. C'est là l'effet de synergie, l'effet multiplicateur qui permet au bon vendeur d'être reçu davantage, plus rapidement et dans de meilleurs conditions". ’

Pas de formation ni de diplôme exigé, pas de critère d'accessibilité à l'inscription pour obtenir un numéro de formateur officiel (Direction Régionale du Travail et de la Formation Continue).

De ce fait, de nombreux intervenants, ayant pratiqué ou non la négociation commerciale, ont animé des séances de formation avec plus ou moins de brio et de réalisme. La prestation standard consistait à proposer un stage court de cinq journées, la plupart du temps d'une façon consécutive, laissant ainsi peu de place à une application avec retour d'expérience et modification des pratiques.

L'aspect didactique était réduit à sa plus simple expression : un enchaînement de questions-réponses ou de situations en clientèle, avec peu de consignes relatant l'environnement professionnel des stagiaires.

En ce qui concerne l'aspect pédagogique, la ponctuation se faisait au travers des séquences de vente telles qu'on les appréhende dans les universités américaines comme Harvard (ouverture, argumentation, conclusion). Il est difficile alors de ne pas succomber au rite de l'évaluation "à chaud", le fameux "qu'en pense le groupe", pour mieux s'auto-féliciter.

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Notes
27.

QUEAU P. – La Planète des Esprits – Odile Jacob – 2000 – P.307

28.

RATAUD Pierre – L'alchimie de la vente – Les éditions d'organisation (1983) – p.262, 263

29.

BELLINGER Lionel – Qu'est-ce qui fait vendre – Puf (1983)