I.22/ PEUT-ON PARLER DE CRISE D'IDENTITE ?

Notion d'identité

Pour un grand nombre de chercheurs en Sciences de l’Education, l’identité sociale est avant tout synonyme de catégorie d’appartenance. Le plus souvent, c'est la C.S.P, c’est-à-dire la Catégorie Socioprofessionnelle qui permet, grâce à des enquêtes nombreuses et répétées, de connaître l’évolution de la structure sociale et les relations statistiques entre cette appartenance jugée importante et un ensemble très large de comportements, attitudes, opinions en matière familiale, professionnelle, religieuse, politique, etc…

La position, exprimée ou non, de ces chercheurs est que cette appartenance « objective » à une catégorie détermine, de manière plus ou moins forte, ce que DURKHEIM appelait « les manières de faire, de sentir et de juger », qu’il considérait comme « des faits sociaux ». De ce fait, il s’agirait de relier ces manières de faire (sentir, penser) à ces appartenances qualifiées de déterminantes.

Pour d’autres chercheurs, l’identité sociale apparaît comme une notion plus ambiguë, dans la mesure où les appartenances sont multiples et où aucune ne peut plus s’imposer, a priori, objectivement, comme principale. Par exemple, le sexe des individus enquêtés ne peut plus aujourd’hui être négligé par les analyses sociologiques. Ou, mieux encore, une femme cadre n’est pas un cadre masculin, a fortiori une formatrice n’est pas un formateur.

Mais d’autres appartenances pèsent aussi sur les comportements et les opinions : l’origine culturelle, le lieu d’habitation, la génération ou les croyances religieuses. En multipliant les variables d’appartenances, on arrive rapidement à une image complexe et brouillée de la société.

Enfin, pour une autre catégorie de chercheurs, la question de l'identité est devenue centrale. Cela explique l’analyse des relations « subjectives » aux catégories d’identification. Ils ont ainsi privilégié d’autres matériaux que les statistiques (les entretiens, notamment), d’autres approches interprétatives (faisant place à la subjectivité) et d’autres problématiques (non déterministes) que les précédents.

Ces études ont, par exemple, constaté une diversité de discours, de croyances, de pratiques de la part de salariés pourtant classés dans « la même catégorie socioprofessionnelle ». Il est ainsi devenu de plus en plus insuffisant, pour comprendre les pratiques et les discours de ceux-ci, de les relier, de manière causale, à leur seule position, sur une échelle sociale définie par des catégories a priori (CSP ou autres). Ainsi, nous définirons une identité professionnelle comme un ensemble réunissant à la fois une similitude de statuts (ce fut le cas pour les orthophonistes, il y a quelques décennies), une proximité de fonctions (avec des tâches similaires), et une analogie quant aux valeurs et références (code déontologique).

L’identité, en effet, n’est pas seulement sociale : elle est aussi personnelle. Or, « l’individu » ne devient pas facilement un objet sociologique. En France, « la sociologie classique » s’est constituée contre la psychologie et sa focalisation sur l’individu. De ce fait, la notion « d’identité pour soi » n’appartient pas au vocabulaire de la sociologie classique et l’identité sociale devient synonyme « d’identité pour autrui ».

Les dictionnaires distinguent, en général, cinq sens au mot français de « crise » :

  1. Changement subit du cours d’une maladie (ex : crise cardiaque)
  2. Accès bref et violent d’un état nerveux ou émotif (ex : crise de nerfs)
  3. Accès soudain d’ardeur ou d’enthousiasme (ex : travailler par crises)
  4. Période décisive ou périlleuse de l’existence (ex : crise d’adolescence)
  5. Phase difficile traversée par un groupe social ou rupture d’équilibre entre grandeurs économiques (ex : crise économique).

C’est ce dernier sens qui sera privilégié. En ce qui concerne le cas des formateurs, force est de reconnaître qu'ils peinent à obtenir un véritable statut (malgré la récente convention collective) et, surtout, une reconnaissance autour de valeurs communes, telles que l'habilitation, le contrat pédagogique, la confidentialité… On peut même considérer que leur identité est de nature flottante et gagnerait à être stabilisée. Une mobilisation autour d'une charte déontologique, avec un plan d'application, pourrait constituer une voie-réponse.