Elle est porteuse d'une espérance d'une société vivante, au travers de laquelle l'homme sera, de fait, immergé dans l'apprenance.
Nous commencerons par deux remarques :
La révolution en cours est aussi importante pour notre avenir que l'apparition de l'alphabet, l'invention de l'imprimerie ou la naissance de la révolution industrielle du XIXème siècle. La technologie occupe une position centrale dans le paysage en formation, parce qu'elle sert de révélation et d'accélérateur.
Au-delà de la technique, ce qui se joue est précisément de nature à toucher aussi à l'image que l'homme se fait de lui-même, et à l'idée qu'il se fait de son rôle dans le monde. Ceci entraîne trois conséquences :
La production de biens réels tend à diminuer en importance économique relativement à la production de biens immatériels. Force est de constater que l'économie de l'immatériel et du virtuel obéit à des logiques différentes de l'économie du réel.
Plus une image s'impose universellement, plus un logiciel se répand, plus une norme, un standard se généralisent, plus un réseau se mondialise et plus ils prennent de la "valeur". Cette valeur n'est pas simplement économique mais symbolique et imaginaire. En quelque sorte, une valeur patrimoniale invisible, qui réunit les hommes et crée les conditions de possibilité de l'échange. Elle prend la forme d'une valeur insaisissable qui circule à la vitesse de l'éclair et qui appartient à tous et à personne.
Sous la pression de cette révolution virtuelle et de l'immatériel, la formation classique se durcit et peut même se disloquer entre la rigidité d'un itinéraire normé et la réalité multiple de l'homme en quête de compétences et de savoirs.
La personnalisation est donc saisie, à son tour, pour relier les aspirations personnelles de l'apprenant avec les exigences du marché.
Les techniques de la communication et de l'information conditionnent une intelligibilité plus profonde du réel 46 . Elles constituent un atout de catalyse positif à l'endroit de ceux qui les maîtrisent. En revanche, pour ceux qui sont dépourvus de ces nouveaux outils, le fossé culturel méthodologique et cognitif ne pourra que s'accroître rapidement, l'effet de catalyse opérant alors négativement. On notera que l'universalité du numérique ne s'appliquent qu'au quantifiable. Il met en jachère tout le reste, c'est-à-dire des lieux d'humanité.
La nouvelle écriture de la personnalisation doit rendre possible l'aspect qualitatif qui exige de "tricoter" la relation à l'autre, dans ce qu'elle a d'indispensable pour tisser des relations professionnelles. Car le quantitatif ne peut seul imposer sa dictature pour faire avancer les organisations.
La personnalisation doit décrypter cette nouvelle manière de brasser l'information, de naviguer, de dégager de nouvelles intuitions, bref d'aller à la cueillette des informations nécessaires à toute prise de décision.
Le virtuel nous oblige, de fait, à une vigilance beaucoup plus affûtée sur ce que nous croyons être réel.
‘"Le langage numérique universel, la convivialité des interfaces, la confusion accrue du réel et du virtuel se complètent enfin par la poussée irrésistible vers "le temps réel". Tant pour des raisons de performances techniques, toujours croissantes, que pour des raisons économiques, les nouvelles fonctionnalités de communication et d'intelligence sont de plus en plus accessibles en "temps réel". Elles tendent à occulter le temps réellement mis en œuvre, le temps "global" nécessaire pour lui substituer un pseudo-temps performant mais factice. Le "temps réel" nous assoupit et nous anesthésie" 47 . ’Comment la personnalisation peut-elle suspendre un espace temps, alors que le "temps réel" veille en permanence sur les organisations et sur la société ?
Elle doit se situer dans la sphère intime de l'individu, lui permettant ainsi de retrouver ce souffle d'humanité qui, depuis l'antiquité, ne l'a pas quitté. L'abstraction invite les formateurs à rechercher des voies et des moyens pour faire le pont entre le triangle "apprenants-organisations-formateurs" et une nouvelle frontière, celle de l'apprenance.
CHANTEUR J. – La vie intérieure, une nouvelle demande – AES Fayard – p. 35 (1998)
QUEAU P. Op. cité
QUEAU P. Op. cité